4.2. Le clone-objet
L’importance du clone-objet tombe sous le sens en ce qu’il favorise la réflexion sur
l’avenir de l’espèce humaine. Il draine vers lui la majorité des questions que suscite
actuellement à l’échelle planétaire, le clonage humain. La caractérisation et la mise en
histoire du clone-objet encourage la réflexion du lecteur adolescent sur les enjeux
socio-éthiques du clonage à partir du matériau de base que constitue l’édifice
romanesque et littéraire au sein duquel le héros prend vie.
Dans les œuvres du corpus sélectionné, deux sous-types de clones-objets
sont identifiables : 1. La réserve de « pièces de rechanges » et 2. Le clone
sériel.
4.2.1 La réserve de « pièces de rechanges »
La scène ressemble à la genèse de l’humain selon Empédocle, rapportée par
Censorinus : « Au commencement des membres séparés sortirent ça et là de la terre,
pour ainsi dire grosse. Ensuite, ces membres se réunirent et bâtirent la substance du
corps humain, mélangée de feu et de liquide » (Dumont, 1991, p. 164). L’ordre
des choses, pourtant, se voit renversé. Dans le cas du clone-objet, une infime
partie de l’humain intégral permet, par manipulation génétique, la création
de parties séparées. Ce fantasme de la culture d’organes – puisque c’est de
celui-là dont il s’agit – apparaît dans presque tous les romans. Christophe
Lambert, dans Clone Connexion, nous offre la vision d’horreur la plus saisissante,
la possibilité – décrite ironiquement – de donner naissance à des clones sans
tête :
Le siège de l’âme est le cerveau, non? Donc, pas de tête, pas de cerveau. Pas
de cerveau, pas d’humain. Voilà qui est ›éthiquement correct‹. On garderait
les créatures ainsi obtenues dans un frigo et on les dépècerait au fur et à
mesure […]. (Lambert, 2002, p. 49)
L’évocation de pratiques du genre dans les romans sélectionnés sert à mettre en relief
l’échec de ces expériences. Tous les clones-objets, de fait, s’avèrent des êtres
« complets » menant une vie de Spartiate, obligés qu’ils sont de se tenir dans une forme
impeccable pour le bénéfice des receveurs qui les ont « commandés ». Ces « produits
de consommation » sont, pour certains, programmés pour leur destin. C’est le cas
d’Ariel dans The Second Clone dont le corps est une assurance pour sa sœur Miranda,
elle-même déjà un clone : « I am made for you. My destiny is you. […] » (Matas, 1999,
p. 95)12
« Je suis faite pour toi. Ma destinée, c’est toi. » (Matas, 1999, p. 95 ; traduction
libre)
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D’autres clones-objets sont élevés et éduqués comme les humains dont ils sont la copie
conforme. Dans le roman
Alpha Clone, David – dont le code barre tatoué sur sa
nuque indique son propriétaire – fait partie d’une famille de clones, double de la
cellule familiale d’une famille riche. Enfin, le cas le plus intéressant, celui du
clone Jonas 7, nous plonge dans une société au sein de laquelle existent des
« robots euthanasiques », un « Ministère de la Reproduction », « une analyse
de génome » obligatoire (Rabish, 2005), de même qu’une pratique vivement
conseillée : la commande d’un clone à la naissance d’un enfant, un exercice si anodin
qu’il fait l’objet d’une comptine : «
Un, deux, trois, tu es libre toi, si tu es
démuni, tu meurs de maladie, si tu es averti, ton