4.1. Le clone-sujet
Le clone-sujet correspond aux personnages de Miranda, dans Cloning Miranda et de
Dominique, dans Unique. Chacun de ces personnages ignore l’histoire de sa naissance et
développe, avant la révélation de son origine, un moi fort. Dans les deux cas, ces enfants
de remplacement se substituent à un enfant adoré auxquels les parents veulent
illusoirement redonner une deuxième vie.
Le questionnement sur son essence, s’il ébranle le moi du clone-sujet, ne réussit pas
à effriter irrémédiablement l’identité du héros. Cette dernière, il le réalise
progressivement, dépasse la concordance physique, vue, au final, plutôt comme une
coïncidence, une convergence momentanée qui ne peut subsumer l’ensemble de
l’expérience qu’il a acquise et l’unicité de son rapport au monde. S’il éprouve pendant
un certain temps l’impression d’un glissement hors de lui-même, d’un rabaissement au
statut d’objet, le héros de ce type retrouve progressivement ses contours premiers, ses
marques singulières et en ressort – sujet grandi – ontologiquement plus fort. Dans
Unique, un artifice poétique ingénieux marque cette progression. De Dominic, nom
commun au deux frères, le clone-sujet se voit, au fil de l’histoire, désigné de plus en plus
souvent comme « Dom », alors que sa « source », son frère, correspond au surnom de
« Nick ». À eux deux, chacun partie unique et essentielle, ils composeront donc
« Dominic ». Cette distinction coïncide avec le développement, chez le personnage
principal d’une nouvelle perception de lui-même : « Each person a random jumble
of genes, weathered by a random jumble of experiences » (Allen-Gray, 2004,
p. 179)10
« Chaque personne, un méli-mélo de gènes, façonnés par un méli-mélo d’expériences »
(Allen-Gray, 2004, p. 179 ; traduction libre).
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Cette individualité qui « colore » l’expérience de chacun, il la comprend d’autant
plus que, contrairement à son frère – brillant scientifique –, c’est à la lumière
de l’art qu’il observe le monde, ce que vient éloquemment confirmer l’excipit
du roman. À ce moment, il assume pleinement sa position de sujet par un
constat « paysagiste » et métaphorique : « All unique and unrepeatable,
like cloud-shadows on moutains or flames in a fire » (Allen-Gray, 2004,
p. 244)
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« Tous uniques et inimitables, comme les ombres des nuages sur les montagnes ou les flammes
d’un feu » (Allen-Gray, 2004, p. 244 ; traduction libre).
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Bien que dans chacun des cas exemplaires, le clone-sujet envisage sa condition sous
l’angle social, éthique ou moral, c’est d’abord et avant tout l’aspect psychoaffectif qui
mérite de figurer au haut de la liste des effets de la révélation. Le sentiment de
trahison ressenti à l’égard de parents qui lui demandent de surseoir à sa nature –
une sorte de suspension de l’identité –, la fuite qui en résulte et l’obligation
d’un recentrement autour de ses véritables forces et valeurs font du clone-sujet
un être qui ressemble à s’y méprendre au destinataire ciblé par les œuvres,
l’adolescent. À ce titre, il assume dans sa relation au lecteur une fonction mimésique.
Il devient vecteur de « reconnaissance » pour le lecteur, lui-même en quête
d’identité.
La situation de clone-sujet, reflet de la tension psychologique de l’adolescent typique,
ne prédomine que dans deux des œuvres du corpus, ce qui n’est pas étonnant eu égard
au thème du clonage dont les aspects éthiques et sociaux si importants pour l’avenir de
l’humanité se voient servis de meilleure manière par le deuxième cas de figure sous
lequel se rangent cinq de nos sept HGM.