plus précisément,
techniquement orphelin. Cela dit, à l’encontre de ces personnages faméliques en
quête de figures parentales, le clone s’avère plutôt à la recherche de sa propre
nature, ce qui le rapproche un tant soit peu de Pinocchio, celui qui voulait
devenir un vrai petit garçon. À ce titre le questionnement des personnages ne
laisse aucun doute quant à la portée tout autant, sinon plus, philosophique
que psychologique de leur quête. « What did it mean? Was this his body? […]
Grown from him. How could I call myself ›me‹ any more? » (Allen-Gray, 2004,
p. 105)
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« Qu’est-ce que cela voulait dire? Était-ce son corps? […] Issu de lui. Comment pouvais-je encore
dire de moi-même, ›moi‹? » (Allen-Gray, 2004, p. 105 ; traduction libre)
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demande Dominic apprenant qu’il est le clone de son frère. Dans le même esprit, on voit
Matteo, le personnage principal du roman
The House of the Scorpion, affirmer « I’m
just a
piece of skin » (Farmer, 2004, p. 80). Dans
Clone Connexion, c’est Frédéric
Lorca qui, tout à la fois apeuré et fasciné par l’idée qu’il pourrait être un clone,
s’interroge : « Si je suis réellement un clone, quels traits de ma personnalité
m’appartiennent en propre? […] quelle est la part de l’›original‹, cet autre moi,
cet étranger, dans mes goûts et mes dégoûts? » (Lambert, 2004, p. 90). Les
questionnements du héros-clone n’apparaîtront pas étrangers aux lecteurs
adolescents qui, comme lui, s’interrogent sur leur identité individuelle. Cela dit, à
cette recherche s’en ajoute une plus profonde encore pour le HGM, celle de son
essence.
Cloning Miranda illustre sans aucun doute cette double articulation
de la quête. En incipit, Miranda que l’on dit parfaite, ignore qu’elle est une
copie de sa sœur décédée. Dès l’incipit du roman, la question de l’identité
individuelle de l’adolescent typique est révélée par une question anodine posée par
l’héroïne : « Am I a real teenager or just some kind of fake? » (Matas, 1999,
p. 4)
6
« Suis-je une vraie adolescente ou simplement un simulacre? » (Matas, 1999, p. 4 ; traduction
libre)
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Cela dit, lorsque lui est révélé sa véritable origine, elle s’écrie plutôt, faisant référence à
son essence, sa quiddité : « I’m a freak. A monster. A thing. […] I’m nothing. » (Matas, 1999,
p. 122)
7
« Je suis une anomalie. Un monstre. Une chose. […] Je ne suis rien. » (Matas, 1999, p. 122 ;
traduction libre)
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Qu’est-ce qu’
être et qu’est-ce qu’
être humain? Voilà la question fondamentale posée par
ce personnage dont le nom shakespearien évoque la tempête qui s’abat sur sa
vie.
Qu’il soit au fait ou non de ses origines, le héros clone bénéficie, dans tous les cas,
d’une immunité relative dans la mesure où son image réduplique celle de l’humain
source, consentant ou non, qui la lui confère. Sur le plan physique, de fait, rien ne
distingue le clone des jeunes de son âge, ce qui à certains moments servira la dynamique
de l’histoire en donnant lieu, dans le cas de Jonas 7 : clone ou de Alpha Clone, par
exemple, à une « comédie des erreurs ». Mais là où, chez un héros typique,
la caractérisation physique s’arrêterait à l’établissement d’une ressemblance
potentiellement comique, la similarité corporelle chez le clone étant le nœud du système
sémiotique, doit faire l’objet d’une explication satisfaisante dès lors que le personnage
apprend qu’il est un clone.
Du fait de sa pertinence scientifique, l’utilisation de l’imagerie gémellaire – le clone
comme jumeau « en différé » – est au cœur des stratégies explicatives. Ainsi, dans
Jonas 7 : clone, la sœur du Jonas « original » – une militante pour la protection de la
vie – s’adresse-t-elle en ces termes à son frère :