Le héros est déterminé à partir de la richesse de sa caractérisation. Déjà les trois
« héros » potentiels du Visiteur du soir ont reçu une qualification différentielle
plus riche que les autres personnages, si on se fie notamment aux catégories qui
construisent leur étiquette (Hamon, 1983) au fil du récit et organisent ainsi la
mémoire du lecteur le temps de sa lecture. À partir d’une coquille vide, généralement
le nom ou le prénom, le personnage s’étoffe par couches successives. Il a un âge, un
sexe. Il s’enrichit d’un passe-temps, d’un passé, d’une famille, d’un statut ou d’un
rôle social, de traits physiques. Il a des qualités et des défauts, etc.
Les catégories communes aux trois personnages sont nombreuses : nom, sexe,
âge, famille, passe-temps, caractéristiques physiques et psychologiques, rôle social,
habitudes, savoir et habiletés, etc. Toutefois, d’autres catégories ne sont pas
applicables à tous, ce qui les différentie du point de vue de la caractérisation.
Ainsi, la catégorie « domicile » est absente de l’étiquette de Charles, la catégorie
« tenue vestimentaire », est à peine ébauchée dans le cas de Charles et de
Vincent, alors qu’elle est assez développée pour l’inspecteur Jacob. Par ailleurs, si
l’inspecteur n’a pas de prénom, nous avons dû introduire de nouvelles catégories
(animal domestique, goûts, passé et même futur) que nous ne trouvons pas dans
l’étiquette des deux adolescents quoi que Charles au cours du récit adopte un chien
ou plutôt est adopté par lui.
L’analyse de ce premier procédé de différenciation semble désigner l’inspecteur
Jacob comme héros (vient ensuite Charles). Mais poursuivons notre investigation.