parrain. Catherine sauve de la noyade son oncle, celui-là même qui avait
crié, le regard haineux en fixant Chang Shou : « Il déshonore la médecine
chinoise. […] On devrait lui couper les doigts, qu’il ne puisse pas recommencer! »
(p. 44).
L’acte de bravoure de Catherine lui vaudra respect et reconnaissance de son oncle
Xiao mais aussi de sa grand-mère. Ainsi cette enfant, jadis, abandonnée servira de pont
entre deux générations, deux femmes, la grand-mère et la mère et entre deux hommes,
appartenant à deux classes sociales opposées, le médecin et l’ouvrier. Elle réconcilie hier
à aujourd’hui, et lime les souvenirs douloureux.
Cette brève exploration de deux personnages héroïques contemporains féminins met
en relief, les multiples transformations subies par les héros in se et ceux du récit de
voyage et contribue à modifier l’image décrite par Lepage, en 1996, à savoir :
qu’
[à] l’exaltation des aventures de jadis, qui incitaient au rêve et au
dépassement de soi, se substitue une littérature du présent et de l’ici,
dans laquelle le « héros », victime pathétique et impuissante, ne donne à
contempler que sa propre détresse (p. 68).
Les deux romans, Lettre de Chine (1997) et Bibitsa ou l’étrange voyage du chien de
Clara Vic (1991) présentent deux héroïnes positives, contredisant l’implicite négativité
du héros contemporain adolescent sorte d’anti-héros qui conteste les valeurs collectives
et se distinguent ainsi des personnages héros apparus depuis l’Antiquité. À cet
égard, ils rejoignent les romans d’initiation, tels les romans d’aventures qui
favorisaient
jadis l’exploration d’un ailleurs qui débouchait sur l’intégration du jeune
héros dans le monde des adultes. C’était, note Thaler (2003), l’histoire
d’un dépouillement et d’un enrichissement. C’était fondamentalement la
confrontation de deux univers, la rencontre d’une conscience individuelle
avec son environnement, c’est-à-dire essentiellement avec la société (p. 257).
En conclusion
L’exploration du personnage héros à travers le temps, puis, situé dans un genre
romanesque précis, le récit de voyage, a mis en lumière les multiples transformations
subies par l’un et l’autre, de l’Antiquité à la fin du siècle dernier. Dès le XVIIIe
siècle, et plus particulièrement au XIXe siècle, le récit de voyage pensé et
conçu pour des jeunes lecteurs visait des buts patriotiques et nationalistes.
Plus tard, les communautés religieuses ont profité, du moins au Québec, de
l’engouement pour un genre littéraire en vogue, pour faire connaître leur mission à
l’étranger.
Avec Fides, les récits de voyage se sont inscrits dans la notion de l’humanisme
intégral, largement diffusée à l’occasion des conférences du philosophe humaniste
français Jacques Maritain données à Montréal et à Québec en octobre 1934 et publiées
dans les journaux La Presse et Le Devoir. La dimension interculturelle, introduite au
milieu des années 1960, du moins avec Jacques Hébert, a pour effet, dans les deux
romans étudiés, d’abolir les frontières et de favoriser les rapprochements interethniques
et intergénérationnels.