l’argenterie, des coupes en or, des bijoux et surtout d’une dague avec des pierres
précieuses. « Le trésor se révèle être le symbole du conflit gréco-turc et, dans
le roman, il concrétise la jonction du passé et du présent » (Lepage, 2005,
p. 105) Alors qu’elle est sur place, Clara Vic imagine ce qu’a pu être cette île,
une nuit de 1923, alors qu’affolée et terrorisée, Bibitsa tend à son père les
objets à cacher. Clara Vic revit le traumatisme vécu par Bibitsa, grecque née en
Turquie.
Dès son retour de l’île, Clara apprendra qu’elle a hérité de la maison de monsieur
Kamil, celle qu’elle a fouillée à son insu, celle qui a appartenu à un grec, soit
l’arrière-grand-père de son ami, Bibelas. Grâce à sa curiosité, à sa persistance et à son
ingéniosité, Clara réconcilie son meilleur ami avec le passé. La nature s’estompe
au profit de dimensions interculturelles dynamiques et tolérantes. L’héroïne
est compréhensive et cherche à rétablir ce qui semblait irréconciliable : deux
peuples déchirés par une guerre sourde qui survit toujours dans le cœur des
gens.
Ces ennemis d’hier ont pourtant en commun, outre un passé douloureux,
des paysages, des odeurs et des parfums qui les réunissent. Clara n’est pas
une héroïne à la force herculienne, ni un personnage aux pouvoirs illimités,
c’est un personnage curieux, avide de connaître et de comprendre, sensuelle,
sensible, décidée et aventurière, ouverte à la différence. Autonome, Clara Vic
va au bout de ses projets puisque rien ne la rebute ni ne l’arrête. Ce qui la
caractérise, c’est sa persévérance, sa vitalité et sa croyance en de meilleurs
lendemains.
Selon Prud’homme (2003), les romans de Christiane Duchesne ne tentent pas
d’instaurer une relation avec le lecteur basée sur l’établissement d’un reflet spéculaire
tributaire de l’immédiateté et de la ponctualité des représentations contemporaines du
récepteur, mais valorisent plutôt, sur le plan axiologique, la rencontre de l’autre
davantage que le rapport au même (Prud’homme, 2003, p. 225). Le Brun-Gouanvic
note, pour sa part, que les romans de Duchesne « participent d’une esthétique du
métissage. Élargir la vision par l’Autre et l’Ailleurs semble être le rôle qu’elle assigne à
la fable (…) » (p. 120).
L’intrigue de Lettre de Chine démarre le jour où le docteur Chang, parrain de
Catherine, la protagoniste du récit, l’invite à le rencontrer. Dès cet instant, la vie de
cette orpheline adolescente, adoptée par un couple de québécois à l’âge de six mois, se
transforme du tout au tout puisqu’elle reçoit, par l’intermédiaire de son parrain, une
lettre de sa mère naturelle Tsung Fei, atteinte d’un cancer incurable. Catherine persuade
ses parents adoptifs de partir avec le docteur Chang pour une dizaine de jours en
République populaire de Chine.
Aux confluents du Xiang qui se jette dans le Yangze, l’adolescente est propulsée dans
de très lointains souvenirs, car elle retourne à ses origines modestes et visite, le cœur
battant, l’orphelinat qui l’a accueillie pendant ses six premiers mois de vie. Elle observe
avec émotion ces poupons « allongés côte à côte sur une tablette matelassée et
compartimentée. Toutes des filles. C’est probablement là qu’elle s’était retrouvée, il y a
des années » (p. 157).
En sous-texte, se profile l’internationalisation de l’adoption des filles rejetées
par cette politique de l’enfant unique, promulguée en 1989, par la République
chinoise.
Lors de ce pèlerinage au pays maternel, les événements se bousculent et accélèrent la
réconciliation entre Tsung-Fei et Xu Cuihua, sa grand-mère maternelle, et entre
l’adolescent d’il y a trente ans, Xiao, et le jeune médecin qui est devenu depuis
son