supportent en silence les injustices de la vie, jusqu’au moment où,
héroïquement, ils se révoltent. En guise d’exemple, pensons aux personnages des
Misérables de Victor Hugo. Au début du XX
e siècle, Kafka nous entraîne, quant à
lui, dans un univers où les héros sont passifs, se traînent et meurent, sans
comprendre ce qu’il leur arrive. Chassé des romans réalistes, le héros réapparaît
néanmoins dans des mondes, des villes et des pays imaginaires, comme Krypton (la
planète d’origine de Superman). En somme, précise Pierre Frank (2001), le héros
ce
type de personnage surdimensionné, qui se trouve placé au centre de
l’épopée, du roman, de la tragédie classique et du drame romantique et
qui est proposé à l’admiration, à la pitié et à la crainte du lecteur ou du
spectateur […] devient de plus en plus ambigü (p. 207).
Dans ce nouveau contexte romanesque, la royauté du héros est remise en cause pour
faire place à l’actant, au personnage principal ou au protagoniste.
Semblablement au personnage héros de la littérature générale, le personnage héros en
littérature de jeunesse évolue. Jusqu’au début des années 1920, la lecture de roman au
Québec est considérée comme une perte de temps et propre à inciter les jeunes à vivre
hors du temps réel. En dépit de cette résistance, en 1923, le roman historique de
Marie-Claire Daveluy, Les aventures de Perrine et de Charlot, voit le jour. Ce
roman-feuilleton dans lequel les personnages empruntent les caractéristiques du
personnage romantique du XIXe siècle contribue à la réhabilitation du roman, genre
jugé encore suspect par les autorités religieuses de l’époque. Perrine, héroïne orpheline,
connaîtra les tribulations de l’immigration et de l’exil et servira de faire-valoir
idéologique pour de nombreuses générations de lectrices, car elle incarne, véhicule et
défend les valeurs patrimoniales à l’honneur, à ses risques et périls. Mais dans les
récits de voyage, à quel type de héros a-t-on affaire? Quels sont ses attributs?
Ses spécificités? C’est à ces questions que nous tenterons de répondre sous
peu.
2. Le personnage héros des récits de voyage
Au Québec, on distingue trois représentations du récit de voyage lesquels correspondent
à autant de motivations différentes, selon la conception que les auteurs et les éditeurs se
faisaient des enfants, des jeunes adolescents, du voyage et de la littérature pour les
jeunes. Historiquement, le voyage constitue un lieu de découvertes de soi, de l’autre et de
son environnement.
Au XXe siècle, le récit québécois de voyage, destiné aux jeunes, connaîtra trois
périodes, en fonction d’autant d’axes retenus : la première dite didactique est
juxtaposée à une période hagiographique et la dernière, la période de la modernité,
marquée du sceau de la nature et de la culture introduisent à l’interculturalité et à
l’intertextualité, génère trois conceptions porteuses de héros différents.
2.1. La période didactique
Introduite par les récits de voyage en Orient, la première période qualifiée de didactique
présente des personnages enfants ou de jeunes adolescents. Cette fascination