Au Moyen Âge, les héros sont des chevaliers, des combattants, des guerriers. Pensons
au roi Arthur. Mais, alors que le héros antique accomplissait des exploits pour sa propre
gloire, le chevalier, lui, combat au nom de Dieu. C’est un héros mystique, c’est-à-dire
inspiré par la religion et ses mystères. Il est un modèle, un guide, et ne peut plus se
permettre des écarts de conduite : le héros chevalier est pur, bon, charitable ; il montre
par son comportement, la voie du Bien.
Le personnage du roman de Cervantès, Don Quichotte, marque la fin (provisoire) de
l’épopée et la naissance du héros de roman. Le héros de l’épopée est, avons-nous
mentionné précédemment, un personnage qui, en principe a réellement existé. De
génération en génération, d’abord à l’oral, puis à l’écrit, on a bâti des légendes à partir
de sa vie. Dès lors, le héros de roman (par exemple : Don Quichotte) est totalement
imaginaire. De cette nostalgie des rêves du passé naît, au tout début du XVIIe siècle, le
héros baroque, présent dans le théâtre cornélien. Il se bat pour de nobles causes, il est
vaillant, courageux, courtois et galant, en plus d’avoir le sens de l’honneur. À
cette époque, le mot « héros » cesse de désigner un guerrier pour devenir « le
personnage principal d’une œuvre littéraire » : telle est sa définition, à partir du
milieu du XVIIe siècle, et surtout au XVIIIe siècle. Avec le héros baroque
meurt le héros traditionnel, celui qui accomplissait des exploits, les armes à la
main. À la fin du XVIIIe siècle, une nouvelle race de héros apparaît : le héros
romantique.
Au XIXe siècle, précise Ottevaere-van-Praag (1997), le roman écrit intentionnellement
pour la jeunesse se construit autour d’un petit héros sublimé, le plus souvent inventé de
toutes pièces. Par le biais de ce personnage domine le point de vue de l’adulte soucieux
de préserver l’ordre établi et de transmettre des valeurs qu’il ne remet pas en question.
Négligeant l’enfant dans sa différence, il fait entendre la voix de héros très semblables
les uns aux autres, bons (soumis, gais et insouciants) ou mauvais (désobéissants,
récalcitrants, rebelles), stéréotypés en fonction de sa démonstration. Ce manichéisme au
service de la finalité pédagogique, ajoute l’auteure précitée, dépossède l’enfant de son
identité.
Ce nouveau personnage se distingue des héros précédents dans la mesure où il n’a plus
besoin d’être un surhomme, un demi-dieu ou une légende vivante pour se faire
remarquer. Désormais, ce qui intéresse le lectorat, c’est la psychologie du personnage, les
différents aspects de sa personnalité. Il faut que l’on puisse s’identifier au héros du
roman, et non plus simplement l’admirer comme autrefois on admirait les héros
d’épopée.
Pour sa part, le héros romantique n’accomplit rien de merveilleux et d’impossible. Il
est humain et, à ce titre, il a des faiblesses. Cela ne l’empêche pas de rester un modèle et
un exemple, bon ou mauvais, car il se distingue du commun des mortels par des qualités
(ou des défauts exemplaires) : l’ambition ou au contraire le désintéressement (le mépris
pour la guerre ou l’argent), la volonté, la pureté de ses sentiments amoureux,
l’intelligence …
Ainsi, pourrait-on écrire, le héros romantique échappe à la médiocrité, et son destin
est généralement peu banal. Il est confronté à des cas de conscience, souvent parce
qu’il est mal à l’aise dans son époque. Comme le chevalier du temps jadis, le
héros romantique a un idéal. Il est à la recherche de valeurs authentiques,
comme l’amour, la gloire, le succès. C’est à cette période de l’Histoire que le
Peuple entre en scène soit les pauvres gens, hommes, femmes et enfants qui
travaillent et