Un héros de roman sentimental
Entre le début du récit, où Gaël, le personnage principal de Le secret de l’hippocampe, se
perçoit comme un être à part (p. 28), et le dernier chapitre où il file le parfait amour, le
lecteur assiste à une lente ascension, ponctuée par des interactions et des mini-drames
qui mettent en cause son frère Julien, Victor le mentor, Mylène l’amie d’enfance et les
deux partenaires potentiels, le beau Lambert et le non moins beau Samuel (sans oublier
les deux agresseurs homophobes).
Selon le modèle d’Alberoni (1981), la crise de l’amour se subdivise de la
façon suivante : 1) surcharge dépressive ; 2) révélation de l’amour ; 3) refus
de la révélation ; 4) acceptation de la révélation ; 5) joie, détachement du
passé…Dans quelle mesure ce schéma s’applique-t-il à ce que vit le personnage
principal?
Au début du roman, Gaël se trouve en pleine surcharge dépressive, car il se
sent abandonné par Mylène, son amie d’enfance et entretient avec son frère
aîné Julien des relations houleuses. Survient ensuite la révélation de l’amour :
celui qu’il éprouve pour les garçons en général, lorsqu’il découvre qu’il est
jaloux, non pas de Lambert qui lui a « pris » Mylène, mais de Mylène qui
lui a pris Lambert (p. 50) ; et celui qu’il éprouve finalement pour Samuel
(p. 80).
Si Gaël ne refuse pas la révélation, il se jure néanmoins de ne pas divulguer à qui que
ce soit le « malheur » que constitue cet amour pour les garçons (p. 78). D’autant plus
que, en ce qui concerne Samuel, il est sûr que celui-ci est hétérosexuel. Le voilà donc qui
fuit tout le monde (p. 110) jusqu’à ce que son amie Mylène lui fasse remarquer que
Samuel s’intéresse à lui (p. 182). Gaël accepte la révélation d’autant plus volontiers
que, un peu plus tard, Samuel lui avoue presque en même temps son homosexualité et
son attirance pour lui, qu’il croit en couple avec Mylène (p. 192). Le temps de le
détromper et, conformément à la dernière étape du modèle d’Alberoni, arrivent
alors la joie et le détachement du passé. Gaël sait que, grâce à Samuel, sa vie
vient de basculer (p. 195), et il insiste pour présenter son amoureux à Victor
p. 198). Les deux garçons font des projets pour ne pas être séparés pendant l’été
(p. 200).
Ainsi, le héros adolescent finit par accepter que « des forces biologiques et sociales
déterminent son être et son faire » (Mitterand, 1984, p. 63). Il accepte les instincts et
les appétits de son corps. Dans Le secret de l’hippocampe, le désir sexuel, non refoulé, se
masque sous les baisers ardents qu’ils échangent. L’amour prend même des airs
bucoliques : le projet partagé d’été à la campagne traduit soudain le bien-être moral et
psychique, la paix, les plaisirs simples et sains ; bref, le paradis retrouvé (Hébert, 1999,
p. 207).
À l’instar de Daniel, qui endosse le rôle de détective, Gaël, héros de ce roman
sentimental à saveur réaliste, sort vainqueur de cette épreuve grâce à son mentor qui lui
a transmis quelques règles de vie simples dont le lecteur ou la lectrice pourra
bénéficier.
La fonction didactique de ces deux romans
Les messages des mentors s’adressent aux héros et ont pour but de leur communiquer un
savoir ou de les persuader de vouloir quelque chose. Quant au pouvoir,