savoir (son expérience de
la vie) pour amener son jeune protégé à oser, à vouloir quelque chose et à
prendre conscience de son pouvoir. Dans ce second roman, il se produit un
renversement, un échange de savoirs : le savoir-vivre de l’un contre le savoir-lire de
l’autre.
Par ailleurs, chacun de ces deux héros de romans de formation se trouve être en même
temps héros dans un autre type de roman : policier pour l’un et sentimental, pour
l’autre.
Un héros détective
Dans Retrouver Jade, Daniel est au centre d’une véritable enquête. Le roman policier
peut se définir à la fois comme une expression littéraire de la modernité, un jeu de
construction ou une partie d’échec, un roman psychologique ou social, une fenêtre
ouverte sur le monde et sur l’autre (Bolzinger, 1998, p. 73).
Daniel endosse le rôle de détective. Après lui avoir indiqué tous les moyens disponibles
pour passer de vie à trépas, et l’en avoir provisoirement dégoûté, son mentor l’enrôle en
effet pour retrouver Jade. Cette adolescente a été enlevée (p. 102). D’abord, à la
suggestion de son guide, le jeune enquêteur gagne la confiance de Lyrette, la meilleure
amie de Jade. Il l’interroge subtilement, et lui montre le portrait-robot du kidnappeur
(p. 104). Témoin de l’enlèvement, celle-ci passe aux aveux et l’informe qu’elle-même,
Lyrette, « clavardait » avec un homme qui se faisait passer pour un adolescent de son
âge (p. 131). Deuxième information, quand Jade, future victime, a vu l’inconnu aux
Promenades de l’Outaouais, elle est allée lui dire sa façon de penser (p.131) et cela
a entraîné son enlèvement. Troisième information capitale pour l’enquête,
le héros apprend que Lyrette a déjà reçu par erreur l’adresse du chalet du
coupable, document électronique confondu avec un autre qui portait le même
titre (p. 143). Enfin, Daniel, habile en informatique, fouille avec succès dans la
corbeille de l’ordinateur que Lyrette a donné à Jade et trouve l’itinéraire jusqu’au
lac Lessard (p. 152) L’enquête se termine lorsque, Boris fort opportunément
rétabli, Daniel et lui se rendent au chalet devant lequel le mentor adopte un
stratagème : il fait semblant d’avoir une crise de malaria (p. 174). Déterminé
à ne pas se laisser impressionner, le héros adolescent, également doté d’un
talent de comédien, négocie avec le prédateur sexuel pour réussir à entrer dans
l’habitation. Au moment du dénouement, à la suite d’une ruse de son mentor, le
héros sait rassurer et réconforter la victime, retrouvée et sauvée grâce à ses
qualités.
Sans exagérer, on peut donc affirmer que Daniel est le héros d’un roman policier
« noir ». Sans que la vie y soit globalement présentée comme une jungle pleine de
violence et de cruauté, le coupable est un psychopathe, pour qui la volupté est
perversion et meurtre ; se sentant traqué, il se suicide au moment de l’arrivée de la
police.
Toutefois, bien que Thanatos et Éros aient toujours plus ou moins partie liée, l’histoire
du héros de l’autre roman à l’étude se joue sur un registre très différent, aux antipodes
de celui-ci.