sont les moyens pour mener à bien la mission : l’automobile pour
se transporter, la nourriture pour prendre des forces, les vêtements propres,
l’ordinateur pour trouver l’information. Enfin, le « savoir », Daniel le manifeste
triplement : 1) il réussit à questionner habilement Lyrette, la meilleure amie de
Jade ; 2) il se montre capable de retrouver l’adresse du maniaque sexuel égarée
dans une foule de courriels ; 3) il sait parlementer avec le bandit et aide son
mentor à pénétrer par la ruse dans le chalet où la victime adolescente est retenue
prisonnière.
De son côté, Le secret de l’hippocampe est le récit de l’acceptation progressive, par
Gaël, de la réalité dérangeante de son homosexualité (le « savoir »). Cette acceptation
doit beaucoup à Victor, un homme âgé à qui il lit le journal et qui réussit à
l’apprivoiser. D’une part, grâce à des dialogues de nature « socratique » avec ce
septuagénaire, Gaël prend conscience de ce qu’il savait déjà implicitement et ose enfin
l’exprimer ; d’autre part, par la réception de règles morales ou philosophiques
communiquées par ce mentor, Gaël acquiert un savoir.
Que veut ce jeune homme? Inconsciemment sans doute, se trouver un partenaire, mais
il tergiverse. Victor le mentor crée le « vouloir » ou plutôt le renforce par ses
propos et ses gestes d’affection paternelle. Quant au « pouvoir », c’est-à-dire
les moyens nécessaires, il y a la parole, le journal, les livres puis les cahiers,
objets transitionnels entre l’adolescent et la figure paternelle positive, ainsi que
le porte-clés-amulette, en forme d’hippocampe qui devient le symbole de sa
différence.
Ce sont leurs mentors respectifs qui vont finalement permettre à ces deux héros de
romans adolescents de se prendre en mains, de se connaître mieux, et de se faire
confiance.
Mentors et héros de romans de formation
Dans Retrouver Jade aussi bien que dans Le secret de l’hippocampe, le héros trouve sur
sa route, un auxiliaire : le mentor se présente en remplacement de la famille, qui ne
convient plus. Les parents de Daniel travaillent trop. Son père le rabroue souvent et lui
envoie des messages rares, mais sarcastiques : « À ton âge, tu pourrais certainement
faire mieux que ça ! » Sa mère intervient maladroitement : « Tu es toujours trop
renfermé. Tu pourrais faire un effort pour être comme les autres ! » De leur côté, le
père et la mère de Gaël souffrent d’un déficit de communication : ils lisent pendant
les repas. Le père n’exprime ses émotions qu’à grand-peine, et se plaint que
ses fils n’aient « pas plus de cervelle qu’un maringouin ! »…Quant à la mère,
curieuse, « questionneuse », indiscrète, elle est aussi insatisfaite de ses deux
fils que de son mari : elle trouve l’aîné trop combatif et le cadet, Gaël, pas
assez !
Une caractéristique importante des mentors : ils sont imparfaits (Torrance, 1984).
Dans les romans à l’étude, chacun des deux a sa faiblesse. Boris, le mentor de Daniel, de
retour d’Afrique, souffre de crises de malaria qui le clouent au lit (non-pouvoir) et
obligent son protégé à agir et à prendre des initiatives ; Victor, le mentor de Gaël, est
analphabète (non-savoir), et lorsque ce secret honteux lui sera dévoilé par le principal
intéressé, l’adolescent, en toute générosité, décidera spontanément de lui apprendre à
lire et à écrire. Une autre particularité de ce mentor illettré est que son fils homosexuel
s’est suicidé il y a vingt ans ; comme il n’a pas su empêcher cette tragédie, il se jure de
soutenir Gaël qu’il juge dépressif. Victor utilise donc son