comme synecdoque d’habillement complet car, nous le
verrons encore, la nudité chez Toupie est exceptionnelle et sursignifiée comme
telle.
Ensuite, la taille. Le texte dit bien « gentil petit Binou » (Jolin, C10, n. p.),
confirmant l’écart dimensionnel entre Toupie et son comparse. En effet, l’opposition est
significative car entre Toupie et Binou, la proportion est quasiment celle de l’adulte à
l’enfant. Il est aisé de déduire que le premier est l’aîné et le second, le puîné.
Toutefois, si Toupie prend souvent une posture d’initiateur de jeu ou de pédagogue
face à son protégé, voire de substitut parental comme dans La Promenade de
Toupie, le chaton, bien souvent, agit en contrepartie comme consolateur ou
même adjuvant, compensant par son initiative et son à-propos la petitesse de
sa taille. Par ailleurs, les albums Binou confirment son très jeune âge, reflet
de celui du lecteur, par opposition au protagoniste des albums Chatouille et
Galipette.
Enfin, l’identification animale. Un chaton humanisé (il est effectivement bipède et se
comporte physiquement comme un enfant) et un gros rat ou souris (loin de Mickey
Mouse cependant avec ses petites oreilles et son bien curieux appendice caudal, soit
trois cercles superposés quelquefois en pointe). Le bambin-lecteur aura toute
liberté d’interpréter et d’investir le couple des valeurs qu’il voudra : un enfant et
son animal domestique, un enfant et son animal de peluche animé, deux amis
complémentaires ou deux frères/soeurs complices. L’important, c’est la réversibilité de
la relation qui s’impose à tout moment. La grosse souris prend sous sa protection le
petit chaton renversant le cadre de référence et la hiérarchie de la nature. Si le
chaton pleure plus souvent, si le texte ne lui donne pas la parole (Toupie et
la narration interprètent et verbalisent ses réactions), car Binou représente
sans doute aucun l’enfant avant la maîtrise de la parole, celui-ci, en revanche,
peut régler un problème, dénouer une impasse ou contribuer à la formation de
Toupie qui perd quelquefois le contrôle de ses jeux. Pour revenir à notre exemple
précédent, Toupie aime Toupie, le rat-souris ne vainc la tentation narcissique
que grâce à l’initiative et à la présence de Binou apparaissant dans son miroir
circulaire et brisant ainsi l’encerclement du moi perdu dans sa contemplation.
Toupie s’aimera toujours mais d’un amour fait de partage et d’échange avec
l’autre.
Ainsi, les albums Chatouille destinés à des enfants évidemment plus âgés que ceux
des Binou iront encore plus loin dans cette folie latente propre aux oeuvres de
Dominique Jolin. Or, y a-t-il une évolution dans cette collection? En effet, il est
regrettable que nous n’ayons pu avoir accès à tous les premiers albums de la période
1996–1997, car force est de constater que les albums du début semblent plus
sages, plus près des normes du bébé-livre comme on peut le constater dans Le
Bobo de Toupie et Un ami pour Toupie de la même époque. Dans ces albums,
il s’agit d’une expérience concrète de la souris-héros, celles de la douleur et
de l’ennui, vaincue grâce à la médiation et à l’appui de Binou qui apporte la
solution, soit un diachylon, soit un nouvel ami, le petit ver de terre, solutions
que Toupie transformera en nouveaux jeux, en fêtes renouvelées. Plus la série
avance, plus la relation entre les amis se complexifie et plus l’univers mental
devient polyvalent. En effet, d’album en album, l’auteure/illustratrice semble
consolider sa maîtrise du genre, ce qui lui permet d’en dépasser bientôt les limites
expressives et d’en subvertir les stéréotypes. Prenons par exemple Toupie se
déguise :