de tout ce qu’il peut faire ses mains,
expression métonymique des forces qui sont en lui. Il apprivoise la nouvelle
situation en dessinant, en transformant son histoire préférée qu’il raconte au
compagnon de peluche. À la fin, son cœur est « presque complètement recousu »
(p. 44).
Les personnages handicapés par leurs propres faiblesses ou par celles des autres sont
donc les plus nombreux chez Tibo. À l’exception de la Petite fille qui ne souriait
plus, ce sont tous des personnages masculins. Le parcours romanesque consiste
généralement à vaincre le handicap. En revanche, les deux personnages surdoués de
Choupette et Noémie débordent de solutions pour régler des problèmes extérieurs à
elles.
L’effet-personnage
Quels procédés textuels permettent aux héros de rejoindre leurs lecteurs? Vincent
Jouve, dans le sillage des travaux de Michel Picard (1986), distingue trois effets de
réception : l’effet-personnel, l’effet-personne, l’effet-prétexte. Ces trois effets, qui se
superposent dans la plupart des lectures, avec la dominance plus ou moins marquée de
l’un ou de l’autre, correspondent à trois régimes de lecture : le lectant, qui investit le
texte de manière intellectuelle ; le lisant, qui l’investit de manière affective, et le lu, de
manière pulsionnelle. Le lisant est assurément le plus sollicité en littérature jeunesse.
Selon Jouve, ce régime est celui du « consentement euphorique à la fiction » par
l’enfant qui subsiste dans l’adulte ! (1992, p. 85) L’auteur rappelle à ce propos que les
premières lectures sont la matrice des lectures ultérieures et que « lire est un désir
d’enfance » (p. 86).
À l’effet-personne perçu par le lisant correspond ce que Jouve appelle le système de
sympathie. La connaissance approfondie des personnages est indispensable au
fonctionnement de ce système. Selon le théoricien, les thèmes qui nous renseignent le
plus sur l’intimité du personnage sont l’amour, l’enfance, le rêve et la souffrance. Tous
ces thèmes sont exploités chez Tibo qui les adapte pour un lectorat juvénile. Les
narrateurs à la première personne racontent souvent leurs rêves. Dans la série Petit
géant, l’activité onirique prédomine. Amour et souffrance sont souvent liés : solitude du
petit maudit, secret de la petite fille qui ne souriait plus, affres de la jalousie chez
Noémie, tiraillement de Guillaume entre ses parents séparés, désir chez le petit géant de
visiter le monde, sans toutefois quitter ses parents. Certains adultes, dans les séries
Choupette et Noémie, reçoivent un traitement assez détaillé pour que l’on puisse
également parler d’effet-personne. Jouve établit une distinction entre les personnages
retenus et les personnages livrés, qui peuvent être distanciés ou proximisés (1992,
p. 176–192). D’abord retenu, le personnage de madame Lumbago est livré dans le
quatrième épisode. Son récit contrebalance le regard un peu protecteur et supérieur que
l’enfant posait sur sa gardienne illettrée et craintive. Les adultes de Choupette se
livrent à l’enfant en lui soumettant les problèmes qu’ils tentent de résoudre.
Dans cette optique, on peut les considérer comme des héros. En revanche,
dans les récits à deux personnages enfants, l’enfant non-narrateur livre peu de
lui-même.
En terminant, nous observerons plus précisément les présences respectives des trois
effets-personnages : personnel, personne et prétexte, dans quelques-uns des