2000e, p. 26) pour le savoir du petit maudit. Il répète sans cesse qu’il
aimerait devenir méchant sans faire tant d’efforts ! Son savoir-faire à lui, c’est la
lecture. Un jour, les amis si différents se séparent. Resté seul, le petit maudit
ouvre le livre préféré de Guillaume. Et c’est la découverte de la lecture, d’un
héros dont l’histoire ressemble à la sienne. En fin de parcours, il ne se sent
plus seul, même quand il est tout seul. Dans ce récit, le petit maudit est le
héros, celui qui évolue et dont on connaît les pensées ; il n’y a pas réciprocité
dans l’échange des savoirs. Guillaume n’apprend rien du petit maudit, qui,
lui, acquiert, avec un nouveau savoir-faire – lire –, un nouveau savoir-jouir et
savoir-vivre, et bientôt sans doute un savoir-dire, en empruntant les mots de ses héros
romanesques. Son vouloir change aussi, car il ne rêve plus de devenir le plus grand
brigand.
Le personnage-narrateur du Grand magicien reçoit un jeu de magie et troque son
identité d’enfant pour celle d’un héros magicien. Son estime de soi est très forte jusqu’à
ce que ses proches le ridiculisent après un spectacle manqué. Il décide alors de changer
son type de magie en devenant le magicien du bonheur. Un handicap extérieur et
circonstanciel lui permet ainsi d’acquérir de nouveaux vouloirs, savoirs et pouvoirs.
La petite fille qui ne souriait plus aborde avec tact la question des agressions
sexuelles sur les enfants. Le handicap de la petite fille est un terrible secret
qu’elle ne peut dire à personne, car elle a peur qu’on ne l’aime plus. L’enfant
tente de sortir de cette situation en s’entraînant à la course, mais le secret
l’empoisonne toujours. C’est par le biais du dessin et l’écoute empathique de la
professeure d’art qu’elle parviendra à verbaliser le secret et ainsi à s’en libérer.
Le processus d’évolution de l’enfant est complètement bloqué par ce qu’elle
ne peut révéler. Elle acquiert des savoir-faire (course) qui ne suffisent pas à
régler le problème et elle perd ses anciens savoirs : parler, dessiner. L’excipit
la montre en voie de les récupérer : « J’ai hâte de dessiner une petite fille
qui court dans un champ de fleurs sous un gros soleil jaune… » (Tibo, 2001d,
p. 47).
Le héros de la Bataille des mots arbore son handicap comme un atout : « Je suis
grand et très méchant. […] On m’appelle le Guerrier » (Tibo, 2003d, p. 9). En face de
lui se trouve le petit Pou, élève beau et bien élevé que tout le monde aime. Tyrannisé
par le Guerrier, le petit finit par l’attaquer sur le terrain de l’orthographe, puis du calcul.
Et David gagne contre Goliath. Le guerrier finit par faire partie du camp du Petit Pou,
par écrire et compter correctement. Réunies, la force du guerrier et l’intelligence du
Petit Pou gagnent tout. Les acquis du Guerrier sont énormes, car ses savoirs augmentent
de façon spectaculaire. Le Petit Pou pourrait être le véritable héros, toujours
accompagné des plus jolies petites filles de l’école. Mais le lecteur n’a pas accès à sa
subjectivité ; il ne sait ce que ressent l’écolier modèle, le voyant seulement agir en
tacticien.
Pour le héros de Guillaume et la nuit, le handicap est la séparation de ses parents :
« Mes parents ne s’aiment plus » (Tibo, 2003c, p. 9). Le vouloir – que ses parents
s’aiment encore – n’est pas conciliable avec le pouvoir. L’enfant se sent déchiré. Laissé à
lui-même dans le nouvel appartement du père, en haut d’une tour, il manque de se
laisser happer par le vide, penché au-dessus du balcon. Dans ce récit plein d’objets
symboliques, trois d’entre eux représentent l’acte manqué : un verre qui se brise, ses
larmes qui tombent, et un singe de peluche, offert par son père, qu’il retient de justesse.
Ayant sauvé son animal, l’enfant prend conscience