4Vincent Jouve distingue le lectant jouant, qui tente de découvrir la structure narrative du texte, et le lectant interprétant, qui tente de découvrir son sens global (1992, p. 84). |
Dans Guillaume et la nuit, le héros livré, « proximisé », suscite un sentiment de sympathie ou d’empathie. Le régime du lisant domine. Mais le lu, l’effet-prétexte, est aussi sollicité. Le personnage-prétexte est le support d’une tentation ou d’une pulsion du lecteur : se détruire en tombant du balcon, donner la mort en lançant le singe, se briser en mille morceaux comme le fait le verre. Le passage où Guillaume se rend compte de tout ce qu’il peut faire avec ses mains ne peut-il pas être ressenti de diverses façons? Le même effet-prétexte peut être identifié dans les aventures du petit Géant qui se retrouve chaque nuit, comme attiré par un aimant, dans le lit bien chaud de ses parents. Et que dire des deux mauvais garçons de La bataille des mots et du Petit maudit, qui avant d’évoluer, peuvent servir de catharsis à l’agressivité refoulée? Il faut cependant rappeler que le lu se situant au niveau de l’inconscient, l’analyse de la réception inscrite dans les structures textuelles devient plus aléatoire à ce niveau.
Dans les Noémie, toutes les conditions sont là pour l’effet-personne. L’héroïne est livrée et « proximisée », dans une relation d’égalité et parfois d’infériorité, quand certains lecteurs en savent plus qu’elles. Dans un récent épisode très introspectif, Le grand amour, la relation devient intime. L’effet personnel pourrait jouer aussi quand le lecteur est amené, au fil de la série, à faire des pronostics sur la pertinence des scénarios de Noémie, après que l’imagination de la petite fille lui a joué des tours à plusieurs reprises. Il peut se demander si l’encyclopédie de Noémie fonctionne adéquatement à chaque fois qu’elle rapproche un événement du récit d’une scène vue à la télévision. L’énigme à déchiffrer dans les premiers épisodes peut également solliciter le lectant jouant. Quant à l’effet-prétexte, il peut se lire dans la relation fusionnelle avec la gardienne/grand-mère, que l’enfant croit à son entière disposition.
Le héros que nous avons décrit est celui qui ouvre sa subjectivité au lecteur, celui qui montre son évolution et la part de souffrance et de désarroi qu’elle comporte, celui