Tantôt menaçants, tantôt sécurisants, ces lieux, généralement fermés ou
statiques
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Pour une typologie des lieux, voir Hamon, 1993.
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– et rarement marqués de la connotation de
« passage »
2
Pour cette connotation du lieu, voir Greimas, 1979, p. 214.
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– reflètent la propre ambivalence du héros qui cherche la sécurité sans pouvoir la trouver
entièrement. Par ailleurs, certains lieux, malgré leur connotation de fermeture, permettront
à Carl d’effectuer le passage psychologique de l’immaturité égocentrique à l’altérité, à
l’empathie
3
Pour la signification de cette réalité chez l’adolescent, voir Monique Noël-Gaudreault, 2003,
74–75.
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.
D’autres lieux, comme l’auto et l’autoroute, intermédiaires entre le continent et les
Îles-de-la-Madeleine, symbolisent l’ambivalence des repères qui jalonnent la mémoire de
Carl. Par exemple, l’enfermement de Carl, assis dans l’auto à côté du chien qui vomit, et
contraint de supporter ce désagrément tout en se faisant imposer une image qu’il aurait
préféré oublier. En effet, sur l’autoroute, il est obligé de passer à côté du précipice où
s’est tué son père. Par ailleurs, cette autoroute symbolise non seulement l’insoutenable
réalité de la mort de son père, mais aussi l’accès à un ailleurs encore inconnu dont la
seule pensée le fait vibrer tantôt de joie, tantôt d’inquiétude. Bref, les lieux
reflètent, d’une part, l’univers clos d’un Carl aux prises avec un grand besoin
de sécurité et, d’autre part, son impression de pouvoir trouver la solution à
sa détresse psychologique ailleurs que dans le souvenir lancinant de son père
décédé.
Voyons maintenant comment la relation avec le père s’avérera pour Carl un
repère ambivalent, certes, mais dynamique, contrairement à la plupart des
lieux.
Le père
Gilles Gauthier a choisi de mettre en scène un enfant de neuf ans, orphelin de père, à qui il
fournira trois pères que, pour les fins de notre analyse, nous nommerons des « pères
compensés »4
Nous nous inspirons ici de Klock (1974, p. 40), qui parle d’une liaison de compensation que
recherche l’enfant face au vide causé par l’absence d’un repère parental.
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.
Il s’agit du père
idéalisé à travers les souvenirs du héros, du père
prolongé à
travers la chienne Babouche et du père
renouvelé, à travers la personne du
père de Garry, René, qui deviendra le nouveau compagnon de la mère de Carl,
Nicole.
Le père idéalisé
Tout au long des quatre premiers romans, Carl vit dans le souvenir d’un père idéalisé
qui suscitera chez lui des sentiments ambigus : ce repère va tour à tour l’enchanter,
l’aider, l’interpeller, mais aussi provoquer son agressivité et un désir d’ingérence
dans la vie de sa mère. Le tableau suivant illustre l’évolution du rôle de ce
père idéalisé ainsi que la nature du repère auquel il correspond, associés à des
exemples.