(Lipovetsky, 2004, p. 104).
En fait, deux tendances contradictoires se dessinent. Si certains individus sont
obsédés d’hygiène et de la santé, d’autres sont anarchiques et ne souscrivent
pas aux prescriptions sanitaires. Ces deux tendances sont illustrées au sein
du récit de Legault, sous la thématique alimentaire. Denis, l’oncle d’Étamine,
est « végétarien, il ne mange pas de viande et surveille son alimentation. »
(1998, p. 30). Il tient à offrir à sa nièce des repas sains et équilibrés, comme
en témoignent les plats et les goûters qu’il lui prépare : « il nous a préparé
une omelette aux épinards! Le dessert, c’étaient des fruits et du yogourt, et la
soupe, un potage aux navets. » (1997, p. 64) Étamine, pour sa part, a des
goûts culinaires qui ne privilégient pas une gamme d’aliments très nutritifs,
puisqu’elle « aime le chocolat, les hamburgers, le poulet frit, la limonade sucrée »
(1998, p. 30). La travailleuse sociale doit d’ailleurs intervenir afin de trouver
un terrain d’entente entre l’oncle et sa nièce : « Sa socieuse est finalement
intervenue et l’oncle Denis a consenti à lui cuisiner des plats à la viande et
des desserts au chocolat. En retour, Étamine a accepté de prendre un yogourt
et un grand verre de jus de légumes chaque jour. » (1997, p. 89). En dépit
de leurs goûts radicalement opposés, les individus ont accepté de faire des
compromis, chacun à leur manière : « Ils ont réussi à s’entendre sur un menu
équilibré. » (1998, p. 30). Mais la fillette refuse de manger certains légumes
dont les épinards, le navet et le brocoli. Tout en s’accordant sur les menus
quotidiens, Étamine et son oncle conservent leurs points de vue respectifs quant à
l’alimentation. En dépit de leurs différences, ils réussissent à faire vie commune et à
s’apprécier.
Laurence n’est certes pas une petite fille aussi originale que son amie Étamine, mais
elle n’en est pas moins authentique. Il importe d’observer que la jeune narratrice ne
craint pas de critiquer les adultes : « Les parents savent toujours ce qui nous ferait
plaisir, vous avez remarqué? » (1997, p. 53). Une telle remarque montre que la fillette
prend du recul face à l’autorité des adultes sans pour autant se révolter de façon
exagérée. Laurence respecte les décisions parentales bien qu’elle ait ses propres opinions.
De plus, l’adresse au narrataire formulée dans l’énoncé incite le jeune lecteur à remettre
en question à son tour les comportements des aînés. Comme elle endosse certaines
critiques de la réalité sociale qui l’entoure, Laurence est en voie de se construire une
identité: par exemple, elle trouve ridicule le fait que le directeur de l’école
féminise systématiquement tous les termes : « M. Renaud, il dit tout le temps
ça : un nouveau, une nouvelle, un élève, une élève. On l’a surnommé Ding
Dong, parce qu’il fait toujours deux sons de cloche. » (1997, p. 14) La fillette
critique les gens qui croient que d’ajouter un « e » à tous les termes suffit à
rétablir l’égalité entre les sexes. Aux yeux de Laurence, le féminin doit être plus
personnalisé.
2. L’autorité transformée
Si l’égalité abordée sous un angle hypermoderne est un thème prépondérant dans la
série de Legault, le féminisme égalitaire issu des grands idéaux modernes des années
1960 se fait plus discret. Des personnages féminins en incarnent toutefois certains
attributs. Veuve, la mère de Laurence est monoparentale et élève trois enfants. Elle a un
emploi du temps bien chargé puisqu’elle travaille pour subvenir aux besoins