- 85 -Gervais, Flore; Noël-Gaudreault, Monique: Littérature de jeunesse et espaces identitaires 
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« À peine y fut-il arrivé qu’il courut à l’appartement de la sultane [infidèle]. Il la fit lier devant lui, et la livra à son grand-vizir, avec ordre de la faire étrangler ; ce que ce ministre exécuta sans s’informer [de] quel crime elle avait commis. Ce prince irrité n’en demeura pas là : il coupa la tête de sa propre main à toutes les femmes de la sultane. Après ce rigoureux châtiment, persuadé qu’il n’y avait pas une femme sage, pour prévenir les infidélités de celles qu’il prendrait à l’avenir, il résolut d’en épouser une chaque nuit, et de la faire étrangler le lendemain » (MN, vol. 1, p. 34).

Dans l’adaptation de Brierley (2001), seule la sultane (coupable d’adultère) est mise à mort – ce qui n’empêche pas que « toute la cour [en fût] horrifiée » (p. 19). Le passage sanguinaire est éludé par une élégante mise au conditionnel de la menace : « Si jamais [c’est nous qui soulignons] je prends une autre femme, je la ferai étrangler le lendemain du mariage, promit le roi avec douleur et chagrin » (p. 19).

Ainsi, pour adoucir l’élément clé de l’intrigue – la mort répétée de jeunes femmes innocentes – Brierley insiste sur la tristesse et la rage du roi, et invente de toutes pièces que le grand-vizir décide de le distraire en lui présentant un acrobate chinois. Cet exemple de réécriture repose sur la folklorisation d’éléments exotiques qui frappent l’imaginaire. On retrouve une scène comparable dans le Casse-noisette d’E.T.A. Hoffmann, écrit en 18165

5http://expositions.bnf.fr/contes/arret/reperes/edition.htm (16-03-06)
et repris par Tchaïkovski pour son ballet, dans laquelle Clara se fait divertir par des acrobates « exotiques » provenant (entre autres) de Chine. Dans la réécriture de Brierley comme chez Tchaïkovski, ce qui était au départ une réalité historique, culturelle et sociale se voit transformé en élément fantastique, voire irréel.

2.2.4 Traduction

Notre étude a porté sur des traductions. Celle de Grimm, publiée entre 1812 et 1815 sous le titre Kinder- und Hausmärchen (Contes de l’enfance et du foyer), a été écrite en allemand6

6Certains contes de Grimm ont été notés tels qu’entendus, c’est-à-dire dans des dialectes tels le bas-allemand, ou encore dans divers patois régionaux.
 ; une fois leur matériau rassemblé, les frères Grimm « ont procédé à des comparaisons, des recoupements de manière à dégager une version qui leur paraissait la plus « pure », signalant au passage les variantes ». (Pierre Péju : 1989, p. 87). Quant aux contes des MN, Galland les a traduits de l’arabe7
7Cependant, une partie du manuscrit arabe traduit par Galland aurait elle-même été écrite originellement en farsi (voir Galland, dans MN, 1965, p. 7).
.

3. Place de la musique dans les contes

Pour comparer l’importance et le rôle accordés à la musique dans ces deux recueils, nous n’en tirerons pas, à la manière de Durand (1969) ou de Carloni et de Nobili (1975), une théorie anthropologique ou phénoménologique de l’imaginaire ; nous amorcerons plutôt une comparaison entre les deux recueils quant à certaines caractéristiques des instruments de musique mis en scène dans des contes aux origines géographiques et chronologiques différentes. Ensuite, à partir d’un inventaire des


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