2.2.1 Réécriture actualisée
Un doublet de contes particulièrement ressemblants illustre bien la réécriture
actualisée : L’histoire d’Ali Baba (MN, vol. 3, p. 241–276) et Le Mont Chauve (Grimm,
vol. 2, p. 285–287). Il s’agit de deux frères. Le pauvre découvre par hasard la formule
pour ouvrir une caverne remplie de richesses. Celle-ci, « Sésame, ouvre-toi », est
remplacée dans le Mont Chauve par « Mont Semsi, ouvre-toi », et les 40 voleurs sont
réduits à 12.
De plus, la trame reste identique : quand le pauvre emprunte une mesure à son frère
pour évaluer la quantité d’or qu’il a prise, une pièce d’or reste collée en-dessous et il doit
révéler son secret. Le frère riche va à la caverne pour se servir et se fait surprendre par
les voleurs, qui l’éliminent.
Malgré ces fortes ressemblances, ce conte « réécrit » dans l’Allemagne des
frères Grimm ne synthétise qu’une partie du conte correspondant. Dans les
MN, les voleurs décident de tuer aussi Ali Baba, et ils entrent chez lui en se
cachant dans des amphores ; le héros ne sera sauvé que grâce à la vigilance d’une
domestique. Ainsi, lors de la réécriture, ce qui était un point-virgule dans la trame
narrative – la survie d’Ali Baba et la mort de son méchant frère – devient un point
final.
2.2.2 Récriture « zéro »
Replacer les contes dans le contexte historique et géographique des « auteurs », permet
de comprendre les mécanismes qui régissent la réécriture « zéro ». Ainsi, la
signification du symbole du « cheval volant » des MN s’avère particulièrement
intéressante. L’Histoire du cheval enchanté (MN, vol. 3, p. 291–326) met en scène un
cheval mécanique « sellé, bridé, et richement harnaché, représenté avec tant d’art qu’à
le voir on [le prendrait] pour un véritable cheval » (p. 292). Présenté au lecteur comme
une simple machine (p. 294) fabriquée pour des déplacements fulgurants, le cheval
produit sur la foule un effet merveilleux : « [Son départ] se fit avec une grande
admiration du roi et de ses courtisans, et de grands cris d’étonnement de la part de tous
les spectateurs assemblés. »
Pour un lecteur d’il y a à peine deux siècles, la description d’un tel engin relevait de la
science-fiction, tant il s’éloignait de la réalité technique et technologique accessible, voire
imaginable. Cependant, pour le lecteur contemporain, cette vision s’apparente, au
mieux, à de la science-fiction de pacotille.
2.2.3 Adaptation
L’adaptation se manifeste sous la forme d’un adoucissement ou de la censure de
certains sentiments perçus comme trop cruels ou érotiques (Poslaniec, 1992,
204). Réécrits par Brierley (2001), « Les plus beaux contes des Mille et une
nuits »3
Ce recueil comprend les récits de Schéhérazade, de Sinbad, d’Ali Baba, d’Aladin et du Calife de
Bagdad.
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,
illustrent un type d’adaptation en fonction d’un jeune
lectorat
4
Les mécanismes de réécriture décrits ici n’ont évidemment aucune prétention d’intégralité.
Cependant, ils permettent de mettre en relief plusieurs différences importantes entre les MN et le
conte occidental traditionnel.
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En voici un exemple.