En outre, le caractère surnaturel du personnage transparaît au cours du déroulement
de l’action : des yeux de braise chez CG, empruntés au cheval de PADG (P. 112), qui, à
la fin, « lancent des éclairs » (C.G.) et deux gerbes de feu, chez Soulières
(p. 22), après qu’il a eu porté un toast à Lucifer et dévoilé ainsi son origine
véritable.
Son allergie aux signes religieux (PADG), comme l’eau bénite (p. 31) et les noms de
Jésus et de Marie (p. 32), a disparu dans les deux versions contemporaines.
Grâce à son habileté à convaincre, dans les trois versions, il pousse Rose à transgresser
l’interdit : « Encore une petite danse! » lui dit-il (p. 32, PADG ; p. 20, R.S. et p. 114,
C.G.).
En cas de résistance, la puissance de sa parole se double de l’usage de la force : quand
Rose lui donne sa main, elle la retire aussitôt « en poussant un petit cri de douleur, car
elle s’était sentie piquer » (p. 33, PADG), Dans les deux autres versions, quand minuit
sonne, Rose veut se dégager, mais : « son compagnon serra ses deux mains
dans les siennes » (C.G. p. 114), et même, « il la retient contre lui » (R.S.
p. 20).
Le fiancé, aux antipodes, est porteur de quatre caractéristiques, au moins.
Dans les trois versions, il s’appelle Gabriel, un nom d’ange et il est vaincu par le
malin. Chez PADG seulement, il a un nom de famille : Lepard, qui est un jeu de mots :
Gabriel part, c’est à dire qu’il cède la place…
Il apparaît inhibé : peu bavard dans les trois versions. Jaloux dans PADG, « il se
mordit les lèvres à en faire sortir le sang » (p. 31). Faut-il opposer les lèvres
inutiles de Gabriel au baiser du diable à sa fiancée? Il reste renfrogné « dans son
coin », tandis que, chez Soulières (p. 32), « il jaspine [maugrée] seul dans
son coin » (p. 19) ; quant à Gagnon, elle le décrit « mal à l’aise » (p. 114).
Euphémisme?…
Des caractéristiques romantiques constituent un bel ajout dans Le baiser maléfique :
« Comment a-t-elle pu oublier l’été merveilleux que l’on a passé ensemble? Nos
promesses, etc. » (p. 19, R.S.). Résigné, toujours chez Soulières ; Gabriel pense que
« Ce soir, le malheur est plus fort que tout » (p. 19)
L’intensité de la souffrance de cet individu rejeté est un ajout dans
les deux versions jeunesse : Abélard (intertextualité?) vient ironiser à
propos du rival de Gabriel (p. 19, R.S.), et Alexis incite ce dernier à
boire et à se divertir. Chez C.G., quand Amédée lui propose de boire du
caribou5
Le caribou est une boisson traditionnelle québécoise, faite d’un mélange de vin et
d’alcool.
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,
le fiancé abandonné accepte, mais son coeur reste « douloureux »…
Autre perdant, le père de Rose est porteur de cinq caractéristiques, au moins.
Fou de sa fille dans les trois versions, il cède à tous ses caprices. Elle n’a même pas à
demander le bal du mardi gras, dans la version initiale…
Son sens de l’hospitalité, dans les trois versions, est évident, même s’il se montre
hésitant à ouvrir la porte chez Soulières (p. 8). Il invite l’inconnu à se « dégreyer » et
à se divertir (C.G. p. 112 ; R.S. p. 12). Chez les auteurs hommes (PADG et
R.S.), le père Latulipe propose au voyageur de faire dételer son cheval (R.S.
p. 15).
Gardien des traditions comme celle de ne pas danser le mercredi des Cendres, il ne
parvient pas à faire cesser la danse lorsque minuit arrive (p. 32). Impuissant, il délègue
tacitement ses responsabilités au curé et on le retrouve cinq ans plus tard, sanglotant
aux funérailles de sa fille unique (PADG, p. 36). La fameuse nuit