3. La Rose et le Diable de Cécile Gagnon
Dans La Rose et le Diable de Gagnon (2000), c’est Jules, le narrateur/lecteur, qui se
trouve propulsé dans la légende de La chasse-galerie, sans nul doute celle d’Honoré
Beaugrand, puisqu’on y lit le début de l’incipit « Pour lors que je vais vous raconter une
rôdeuse d’histoire dans le fin fil » (p. 21). Jules est un jeune d’aujourd’hui
qui, en pleine lecture de La chasse-galerie, se surprend en train de ramer dans
le canot d’écorce, un rabaska. L’équipée est déjà de retour vers le camp des
bûcherons.
Contrairement aux autres versions, ce n’est pas une fausse manœuvre ou une bagarre
qui fait chavirer le canot mais bel et bien un juron associant le nom de Dieu, juron lâché
par Baptiste Durand : « Ah! mes sacripants! Mes torrieux de bon guieu!! » (p. 32).
Même le diable est présent : « Un ricanement sinistre a résonné dans l’air frais
du matin ». Mais de l’enfer, point. Pourtant, ils ont bel et bien failli à leur
pacte.
La version de Gagnon ne s’arrête pas au retour précipité, puisque dans le canot
déserté, Jules découvre ligotée la femme du diable, la fameuse Rose Latulippe qui aime
tant danser. On a donc l’intégration d’une deuxième légende célèbre du Québec, celle
de Philippe Aubert de Gaspé. Jules libérera Rose Latulippe de l’emprise du
Diable.
Ce conte merveilleux est donc un récit d’événements fictifs et donnés pour tels ; il a
été écrit dans un but de divertissement.
4. « Ma chasse-galerie » de Marc Laberge
Enfin, dans « Ma chasse-galerie » de Laberge (1994), on retrouve cette absence de la
double énonciation propre au récit légendaire. Son conte n’est pas non plus localisé pour
ajouter cette touche de « vrai » propre à la légende.
Le narrateur est un jeune garçon de 9 ans, qui accompagne pour la première fois son
père à la chasse. Le produit de cette chasse au collet apporte un peu plus de quoi
manger à cette famille pauvre. Rappelons que le vol magique est ici « pour la
vie ».
À l’instar des légendes amérindiennes, quoique dans ces légendes cela motive le vol
magique, au retour de la chasse, le père et le fils aperçoivent « à travers les arbres, une
ouverture qui formait comme un sentier » (p. 78). Le père s’y aventure « espérant
découvrir un nouveau territoire giboyeux. » (p. 78). Ils y découvrent « un petit lac gelé
avec environ deux cents à deux cent cinquante canards, les pattes prises dans la glace »
qui battent des ailes pour se libérer.
Le père aidé de son fils casse la glace tout autour du lac, et au dernier moment, tous
les deux sautent au centre. La plaque de glace sur laquelle ils sont s’élève alors grâce aux
battements d’ailes des canards. Toutefois, au fur et à mesure que la glace fond, ceux-ci se
dégagent et déguerpissent. Les deux protagonistes finissent par apercevoir leur maison et
l’atterrissage forcé a lieu près de chez eux. Ce vol magique sur un lac gelé n’est pas tant
un vol pour se ravitailler qu’un vol pour ramener les personnages à la maison, eux et le
fruit de leur chasse au collet. On pourrait aussi noter que le vol magique pour l’amour
s’effectue généralement dans un canot, symbole phallique par excellence, alors
qu’ici le vol s’effectue sur une surface plane et circulaire où le gibier sert de
propulseur.