les étendues dénudées des Barrens, tantôt montagneux et accidenté.
(Curwood/Gruyer et Postif, 1937 [1925], p. 40)
Voici la note correspondant au Wild tirée de Croc-Blanc de London :
(1) Le Wild est un terme générique, intraduisible, qui, comme le Causse,
le Maquis, la Brousse, la Pampa, la Steppe, la Jungle désigne une région
particulière et l’ensemble des éléments types qui la constituent. Le Wild
comprend, dans l’Amérique du Nord, la région traversée par le Cercle
Arctique et celle qui l’avoisine, qui ne sont plus la terre normalement
habitable, sans être encore la glace éternelle et la région morte du pôle.
L’Alaska presque entier en fait partie. Les forêts, alternées de prairies, sont
nombreuses et le sol, très accidenté, enferme divers gisements minéraux dont
la houille et l’or. Durant la plus grande partie de l’année, l’hiver sévit et
recouvre uniformément la terre. Elle fond et la glace se brise vers le mois
de juin. Mais le sol ne dégèle jamais qu’à une faible profondeur. Un court
été fait croître rapidement une végétation hâtive et luxuriante. Puis l’hiver
reparaît bientôt, sans plus de transition, et le linceul funèbre s’étend à
nouveau. (London/Gruyer et Postif, 1923, pp. 1–2)
Les termes de Wild et de Wilderness sont des dissimilèmes qui renvoient à des référents
que les traducteurs choisissent de laisser en anglais dans le texte français. Leur analyse
n’est pas sans fondement, comme on l’a vu : certains des romans des deux
auteurs se déroulent dans les espaces désolés du Grand Nord et ces espaces
sont les lieux significatifs des aventures racontées. Cela dit, ces deux notes
quasi identiques établissent une équation entre les œuvres de London et de
Curwood et il est peu probable que cette équation aurait été du goût des deux
auteurs.
Conclusion
L’œuvre de Curwood est marquée par une conversion qui conditionne profondément ses
thématiques. Cela n’est pas très courant. Bien sûr, tous les écrivains évoluent et leurs
thématiques et même leurs convictions se modifient avec le temps. Du point de vue de la
réception, des thématiques peuvent paraître heureuses à une époque et vieillies à
d’autres époques. Avec Curwood on est face à une situation assez nettement différente.
C’est à une véritable palinodie que l’on assiste dans son cas. Il n’existe pas
d’études (à notre connaissance) sur son lectorat avant 1914 et après 1914. Il est
possible qu’une partie des lecteurs fidèles du premier Curwood ne l’ait pas
suivi dans sa conversion et qu’il se soit attiré une autre catégorie d’amateurs
de récits respectueux de la faune sauvage. Quant aux traductions, elles sont
effectuées dans le désordre le plus complet et les lecteurs français ne peuvent
se rendre compte du revirement que subit l’œuvre. À cela il faut ajouter non
seulement l’absence en traduction de la préface de Curwood où il explique
sa conversion, mais encore l’homogénéisation des œuvres des deux auteurs
américains, London et Curwood, pourtant très différents dans leur manière. Le
jeune lecteur français a-t-il été en mesure de différencier des œuvres telles que
Kazan de Curwood (traduit en 1925) de Croc-Blanc de London (traduit en
1923)? Même si cela est crucial pour chaque auteur, est-ce si important pour
le lecteur? Cela n’est pas sûr. Les deux auteurs