- 54 -Gervais, Flore; Noël-Gaudreault, Monique: Littérature de jeunesse et espaces identitaires 
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mais il ne prend plus plaisir au massacre, contrairement aux Indiens. Il fait donc le projet de tuer Thor, sans remords. Pour créer la couleur locale, Curwood emprunte la langue des Cris ; par exemple, « [i]l était évident que [Thor] s’était décidé à kuppatipsk pimootao, c’est-à-dire à voyager toute la nuit » (ibid., p. 122).

Langdon s’empare de l’ourson d’Iskwao et l’apprivoise. Auparavant, les avaient rejoints un Indien et ses chiens Airdales, que Thor met en pièce. Langdon déclare : « Je commence à les aimer aussi, Bruce. Je ne sais pas pourquoi, mais il y a quelque chose dans les ours qui vous force à les aimer! Je n’en tuerai plus beaucoup, peut-être même plus du tout quand nous aurons eu la peau de ce massacreur de chiens. Ce sera vraisemblablement mon dernier ours! » (Ibid., p. 177)

Or, dans sa traque, Langdon est confronté, fusil fracassé par accident, au grizzly. Et Thor, ne sentant aucun défi dans l’attitude de Langdon, s’en va en lui laissant la vie sauve. Langdon s’exclame : « Cette brute a dans le cœur plus de grandeur qu’un homme! » (Ibid., p. 194) « — Car moi, si je t’avais coincé comme tu m’as coincé, mon bonhomme j’aurais proprement fait ton affaire…Et toi, toi, qui m’as coincé, tu m’as laissé généreusement la vie. » (Ibid,, p. 194) « […] [I]l [Langdon] sentait bien que l’aventure de ce jour donnerait le dernier coup de pouce à la transformation qui s’était opérée en lui. » (Ibid,, p. 195) Il va jusqu’à tirer sur les chiens Airdales qui accompagnent le Cri pour protéger le grizzly ; l’Indien croit Langdon keskwao, c’est-à-dire fou, d’avoir tiré sur ses chiens pour épargner le grizzly (ibid., p. 207).

Nous ne nous appesantirons pas sur toutes les disparités (et elles sont très nombreuses) que présente la traduction française effectuée par Midship (un pseudonyme évidemment). À titre d’exemple, cependant, mentionnons que le grizzly se nomme Thor en anglais et Tyr en français ; la traduction laisse tomber des pans entiers du texte original (les pages 10–11 de l’original correspondent à une page, la page 15, de la traduction) ; les chiffres ne sont pas correctement retranscrits par le traducteur : par exemple, (nous traduisons mot à mot) : « 99 pour cent des ours (et probablement 199 pour deux cents) sont gauchers », ce que Midship traduit : « quatre-vingt-dix pour cent des ours sont gauchers. » (1922, p. 23) De nombreuses inexactitudes, certaines graves, se sont glissées dans la traduction de ce texte qui pourtant se vante en anglais de la précision des notations sur les realia et sur la documentation.

Dans un autre récit, Kazan (1914), qui a précédé The Grizzly King de deux ans, est remis en question le principe même de la chasse. Kazan raconte les aventures du chien-loup Kazan (trois quarts chien et un quart loup) et de Louve grise dans le Grand Nord. Les personnages d’hommes sont le professeur Paul Weyman et le métis indien-français Henri Loti. Paul Weyman demande à Loti : « Dis-moi, Henri, n’éprouves-tu jamais aucun remords de massacrer tant d’animaux comme tu le fais? » (p. 112) Weyman raconte qu’il a cessé de tuer pour plaire à sa fiancée Hélène. Il a remplacé le fusil par l’appareil de photo. Faut-il voir dans cet aveu le premier signe romanesque de la conversion de Curwood? Sans aucun doute. Quant à l’occasion de sa conversion, il est peu probable que la compagne de Curwood y ait été pour quelque chose, comme on va le constater plus loin.


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