- 53 -Gervais, Flore; Noël-Gaudreault, Monique: Littérature de jeunesse et espaces identitaires 
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plaisir à exercer leur métier de trappeurs, à prendre un loup au piège, à tuer un cerf pour s’en nourrir, à blesser un caribou ou un élan pour en recueillir le sang et s’en servir comme appât pour attirer les loups. Les animaux n’ont pas d’âme dans ce roman : ils meurent sous les balles des chasseurs ou dans les pièges tendus pour les attraper. Captifs des pièges, ils sont encore vivants quand les chasseurs les découvrent au petit matin. Un coup de pistolet ou de gourdin les achève sans que les chasseurs n’en éprouvent aucun regret.

Pour mesurer le chemin parcouru en quelques années par James Oliver Curwood, examinons la préface que l’auteur place en tête de The Grizzly King (publié en 1916 ; notre trad.) : « C’est en quelque sorte une confession que j’offre au public dans ce deuxième de mes livres portant sur la nature, une confession et un espoir ; la confession de celui qui pendant des années a chassé et tué avant qu’il n’apprenne que le Wild offre un sport plus palpitant que le massacre des créatures vivantes et l’espoir que ce que j’ai écrit peut faire éprouver et comprendre à autrui, à savoir que la plus grande excitation de la chasse n’est pas de tuer mais de laisser vivre. » (p. viii de l’éd. orig.) Curwood se souvient d’un jour mémorable, dans les montagnes de Colombie Britannique : ce jour-là, « en moins de deux heures, j’ai tué quatre grizzlys sur les flancs de la montagne, destruction probablement de cent vingt ans de vie en 120 minutes. Et ce n’est qu’un des exemples au milieu de beaucoup d’autres où je me considère pour ainsi dire comme un criminel, car tuer pour le plaisir de tuer équivaut presque à un meurtre » (p. vii–viii ; éd. orig.). Il continue : « Modestement mes livres d’animaux sont une réparation que je m’efforce aujourd’hui d’accomplir, et c’est mon profond désir non seulement de leur donner un intérêt romantique, mais de les écrire selon une documentation sérieuse. » (p. viii ; éd. orig.)

Le récit The Grizzly King est raconté du point de vue du grizzly. Jim Langdon et Bruce sont en chasse. Langdon est écrivain du Grand Nord canadien : il recueille des informations de première main sur le grizzly. Ils débusquent un grand grizzly, qu’ils nomment Thor, et le blessent à l’épaule. Le grizzly se plonge dans une mare, dont la boue lui sert d’emplâtre. Thor se soigne avec des plantes, dont Curwood fournit le nom. Remis d’aplomb, Thor va rejoindre sa compagne, Iskwao. Comme Curwood l’a annoncé dans sa préface, il oscille entre l’anthropomorphisme et une documentation sérieuse : par exemple, d’une part, Thor est semblable à la plupart des célibataires, écrit Curwood : il n’aime pas les enfants ; il gifle les oursons ; à sa progéniture, il gronde : « N’approche pas, […] ou je te flanque une bonne gifle. » (p. 48) D’autre part, l’auteur donne des renseignements précis sur les herbes et les résines qui guérissent Thor, sur l’odeur des ruminants couchés (wenipoo) et celle des ruminants en train de paître (mechisos).

Un début de prise de conscience de Langdon a lieu au chapitre vii : « Il faut chasser et tuer, chasser et tuer pendant des années avant de découvrir en quoi consiste la vraie passion de la chasse au gros gibier […]. Et lorsqu’on a su découvrir ce plaisir véritable, qui vous absorbe corps et âme…on s’aperçoit que l’émotion la plus forte ne vient pas du fait de tuer…mais du fait de laisser vivre. » (Curwood, 1922, p. 64). On a reconnu une idée énoncée dans la préface presque telle quelle. Langdon se remémore sa passion de tuer : « La maison s’emplissait de trophées de chasse, têtes et peaux de créatures qu’il avait abattues. » (Ibid., pp. 73–74) Cependant, il éprouve toujours le désir de tuer, sinon il ne serait plus chasseur,


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