- 47 -Gervais, Flore; Noël-Gaudreault, Monique: Littérature de jeunesse et espaces identitaires 
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sont ceux qui ont une vocation communautaire : minuscules jardinets donnant sur la ruelle dans Le royaume de Bruno, jardin du foyer pour personnes âgées dans Les dimanches de Julie. Les légumes cultivés par le grand-père sont offerts à tous les pensionnaires et des gerbes de ses fleurs ornent les fenêtres de la salle commune. Cette conception du jardin comme partage est soulignée par le discours de la narratrice : « Mon grand-père croit que le jardinage nous rapproche de la terre des hommes. » (Trudel 1998a, p. 48).

On pourrait aussi inclure dans les espaces semi-publics le foyer où la petite fille retrouve son grand-père, dans Les dimanches de Julie. Le titre renvoie implicitement à cet espace où elle passe tous ses dimanches, pensant qu’ils seront les beaux dimanches de sa vie (Trudel 1998a, p. 13). Les salles de classe à l’ambiance intime du Monde de Félix et de Pourquoi le monde est comme il est ? pourraient également faire partie des espaces intermédiaires. Dans ces deux récits dominés par les préoccupations existentielles, elles ont fonction de lieu initiatique.

Mais le lieu le plus représentatif de cet espace semi-public communautaire est assurément la ruelle mise en scène dans Le royaume de Bruno. Passage ménagé entre les terrains arrière de deux rangées de maison, donnant à la ville des allures de campagne, la ruelle montréalaise a inspiré plusieurs écrivains québécois pour la jeunesse (Marineau, 1989 ; Duchesne, 1993). Le « royaume » de Bruno n’est autre que sa ruelle. Le héros-narrateur confie : « Je suis heureux, le matin, parce que je vois ma ruelle. La plus belle ruelle de toute la terre ! Le centre de mon univers ! Mon paradis à moi ! » (Trudel 1998b, p. 10) La grande caractéristique de cet endroit magique est d’être le centre d’un mouvement à la fois centripète et centrifuge. La ruelle réunit des familles venues du monde entier ; les minuscules jardinets rappellent, dans les deux sens du terme, leurs cultures d’origine. En même temps, elle est le point de départ des jeux des enfants : « c’est le milieu du monde d’où partent tous les voyages. Où passent toutes les caravanes d’or, d’argent et d’épices ! » (p. 13) Ce mouvement à deux sens anime tout le roman. Le héros plaint les immigrants, les déracinés. Il pense que lui-même mourrait s’il devait quitter son royaume. Il apprendra pourtant que l’on peut partir.

La ruelle est l’équivalent du village de campagne, en version multiethnique : « Eh, venez voir, tous les pays sont dans le jardin », s’exclame la sœur du narrateur (p. 35). Ainsi dans un coin, c’est un peu la Grèce : les Papadopoulos « cultivent la vigne grimpante qui tisse un toit de feuilles sur leur petite cour » (p. 35). Les Ricci suspendent des jambons salés dans leur hangar. Quand Maryse Roy joue du violon, les « voisins sortent des chaises et des poufs sur leur balcon » (p. 39). Après avoir décrit l’apport gastronomique9

9Sur l’importance de la gastronomie dans la mise en scène du personnage d’immigrant, voir Romney, 2005, p. 68–69.
ou artistique de chaque occupant ou de chaque famille à la ruelle, le narrateur conclut : « telle est la vie de ma ruelle pleine de personnages » (p. 42). Ces derniers mots « pleine de personnages » résument bien l’utopie de Trudel.

Un motif récurrent – la fête – exprime bien la vision du monde transmise par ces romans. Plus que le jeu, plus que le spectacle, thématiques obligées du roman pour enfants, la fête caractérise la fiction de Trudel. La fête est indissociable du village ou de son avatar urbain, la ruelle. Le premier roman jeunesse de l’auteur,


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