frontières du
lever et du coucher. Cet élément spatial est présent dans les incipits, frontière textuelle,
comme on peut le lire par exemple dans
Un secret dans mon jardin : « Le matin, je
m’étire en bâillant, puis j’ouvre ma fenêtre sur le jardin » (Trudel 2001c, p. 7) et dans
Les dimanches de Julie : « Tous les soirs, avant de m’endormir, je m’accoude à ma
fenêtre. Et je regarde la rivière qui serpente mystérieusement dans la nuit ».
(Trudel 1998a, p. 7) Comme l’a bien montré Philippe Hamon, le dispositif
chambre-fenêtre-lieu ouvert est un topos qui a été abondamment utilisé dans le
roman du 19
e siècle pour opposer une intimité et une extériorité (Hamon,
1993, p. 212–213). Le spécialiste de l’idéologie dans le texte (Hamon, 1984)
précise que cette opposition toujours orientée. Chez Trudel, le mouvement est
généralement une ouverture vers le monde, le monde social, et à une plus vaste
échelle, l’univers. Le regard se perd dans le lointain, prélude à la réflexion
philosophique. Le paysage encadré par la fenêtre possède des lignes de fuite
telles que le cours de la rivière, qui entraîne le jeune personnage à réfléchir sur
les limites du temps et de l’espace. Dans le
Grenier de monsieur Basile, le
protagoniste jouit dans son grenier de deux orientations de fenêtre ; de l’une il voit la
place idyllique du vieux village, de l’autre il aperçoit les grues, emblème de la
modernité des nouveaux quartiers. Quand la fenêtre s’ouvre sur un paysage
urbain, comme dans
Le Royaume de Bruno, que nous allons aborder plus bas,
les préoccupations sont sociales, toujours tournées vers l’Autre : « Le soir,
appuyé contre ma vitre, je songe à tous ces gens déracinés. » (Trudel 1998b,
p. 42)
L’élément aquatique est important dans les paysages romanesques de Trudel ; ligne
de fuite vers le monde quand elle n’est pas apprivoisée, l’eau devient lieu de rencontre de
la communauté sous la forme d’une fontaine, d’une patinoire ou d’une piscine. Il
importe de noter le motif récurrent de l’eau qui mène au savoir. Dans Les
dimanches de Julie, elle fait réfléchir sur le temps qui passe. Dans Pourquoi le
monde est comme il est ?, le voyage d’une goutte d’eau permet d’envisager la
grandeur du monde. Et c’est en suivant un ruisseau, qui « sent l’eau pure et la
liberté » (Trudel 2002b, p. 23), note le narrateur, que les enfants se rendent à
l’école.
Le village proposerait donc un équilibre entre une vie communautaire et une
possibilité d’intimité dans la nature et de mouvement sans entrave. Il est à noter que le
chalet isolé dans la nature n’est pas envisagé comme résidence permanente. Une saison
au paradis l’indique dès le titre.
Espace semi-privé semi-public
Lieu rituel de la littérature pour la jeunesse – que l’on pense par exemple au classique
The Secret Garden de Frances Hodgson Burnett (1907) – le jardin est présent dans la
plupart des romans de Trudel. Cependant il n’acquiert de fonction importante que
dans un seul roman, Un secret dans mon jardin. Ce jardin est dominé par un
arbre magique, qui abrite une cabane. Encore une fois, la cabane n’est pas
le lieu privé de l’enfant, qui cultive l’amitié et se fait un devoir et un plaisir
d’y recevoir ses amis. L’intrigue s’ouvre par ailleurs largement sur la vie du
village : les légumes que la famille vend au marché, les pizzas vendues par un
« vrai Italien d’Italie » (Trudel 2001c, p. 34), etc. Les jardins qui semblent
intéresser Trudel