- 48 -Gervais, Flore; Noël-Gaudreault, Monique: Littérature de jeunesse et espaces identitaires 
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aux allures de conte, Le monsieur qui se prenait pour l’hiver, se terminait déjà par une fête « pour célébrer le mariage des saisons » (Trudel 1995a, p. 43). La fête a lieu dans les lieux semi-publics, comme la résidence pour personnes âgées où l’on fête une centenaire (Les dimanches de Julie) ou le salon de coiffure du grand-père (Le voleur du poisson d’or). Les fêtes de Trudel n’entrent pas dans la catégorie « fêtes d’enfants » fréquentes en littérature jeunesse. Ce sont au contraire, de façon très explicite, des rencontres intergénérationnelles et interethniques. Du point de vue du jeune narrateur, la réussite des fêtes semble se mesurer au nombre de personnes joyeuses réunies : « Tout le monde riait et parlait en même temps. C’était une fête extraordinaire » (Trudel 1998a, p. 59), « Ce soir-là, les voisins donnèrent un petit bal costumé chez eux […] On dansait chez les voisins, on chantait, on riait » (Trudel 1999a, p. 15), ou encore : « Le samedi suivant, mes parents ont organisé une fête dans le jardin. Des dizaines d’invités sont venus. Le maire, le curé, le chef de police. Ma tante Lili et mon oncle Dédé, mes amis, la maîtresse d’école, le docteur Beaulieu. » (Trudel 2001d, p. 59) La deuxième citation met en lumière un autre aspect de la fête chez Trudel : l’ouverture de l’espace privé. Cette ouverture est également illustrée dans Le roi qui venait du bout du monde (1997) où les parents invitent voisins et amis pour fêter le jeune Ukrainien.

Un roman un peu isolé dans la production juvénile de Trudel, L’ange de Monsieur Chose (1999), illustre le refus de la vie communautaire et démontre a contrario le besoin de l’insertion sociale. Monsieur Chose déteste ses semblables et se rend infiniment désagréable à tous, jusqu’à la nuit où il est sauvé d’un incendie par un homme déguisé en ange. Celui-ci participait en effet à un bal costumé ! Dès lors, monsieur Chose se convertit, croyant avoir rencontré son ange gardien. Mais au lieu de s’intégrer à la vie du quartier, il décide de vivre en ermite vagabond, donnant le peu qu’il possède aux autres. C’est juste à la fin, avant de s’endormir dans la neige – ou peut-être d’y mourir – qu’il comprend qu’il s’est trompé : « Lui, qui avait toujours détesté les fêtes, comprenait maintenant la beauté de ces rires lointains. » (Trudel 1999a, p. 61) Allant d’un extrême à l’autre, le personnage qui ne donnait rien, pas même un sourire, a décidé de tout donner, mais en oubliant de recevoir. Ainsi la fête est-elle l’un des lieux textuels où se concentre la représentation de l’espace social, espace partagé, espace d’échange, chez Trudel.

Conclusion

Tous les espaces signifiants dans les romans pour jeunes lecteurs de Trudel tendent à devenir semi-privés ou semi-publics. Ces fictions donnent à lire, à différents niveaux, un dépassement des frontières. L’instituteur invite les écoliers chez lui, les parents ouvrent leurs portes aux voisins et aux amis. Dans L’été de mes dix ans, ce sont les animaux qui s’échappent du zoo et vivent dans le village pendant quelques jours. D’autres aspects de la perception de l’espace chez cet auteur seraient à approfondir. Nous observons que le monde vient souvent à l’enfant – sous forme de personnages et d’objet venus d’ailleurs –, mais que ce mouvement centripète préfigure un mouvement centrifuge. Bientôt le personnage-enfant ira vers ce monde sur lequel il s’ouvre. Ce schéma, particulièrement perceptible dans Le royaume de Bruno, se lit aussi dans Le roi qui venait du bout du monde et dans les plus


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