- 45 -Gervais, Flore; Noël-Gaudreault, Monique: Littérature de jeunesse et espaces identitaires 
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Félix, quand le héros se met à pleurer en songeant à la « mort des mondes » (Trudel 1996, p. 17), son compagnon de chambrée se réveille, et à deux ils trouvent les moyens d’affronter cette idée. Dans Le roi qui venait du bout du monde (1997), la famille accueille un jeune malade, venu d’Ukraine. La mère l’installe dans le lit du narrateur et lui donne le pyjama de ce dernier. Les deux objets symboliques de l’intimité que sont le lit et le pyjama sont partagés avec le nouvel hôte. Le clos se déclôt. Il y aurait encore d’autres exemples montrant la tendance à l’ouverture de cet espace privé5
5Voir par exemple l’excipit de Un secret dans mon jardin : « Nous rions comme des fous puis nous parlons encore un peu avant de fermer les yeux. Je ne sais plus qui s’est endormi le premier, ni qui s’est endormi le dernier. Je me souviens seulement que la nuit a été douce et que j’ai fait de beaux rêves. » (Trudel 2001c, p. 63)
.

Quant à la maison, espace privé de la famille, elle est montrée dans l’ensemble des romans comme un espace ouvert : il suffit de noter les nombreuses occurrences des termes « voisins » et « invités » pour en être convaincu. Cette catégorie de personnages a une grande importance dans la trame narrative de presque tous les romans, que les personnages principaux soient des enfants ou des adultes. Dans Des voisins qui inventent le monde (2000), le narrateur qui vit seul avec sa mère et ses jeux vidéo est invité par les voisins ; il oppose alors sa maison « silencieuse » à leur maison « vivante ». Mais les maisons de Trudel sont plus ou moins favorisées. Dans l’un des premiers romans, Le garçon qui rêvait d’être un héros, la demeure familiale est un lieu menacé. Suite au chômage du père, la famille est brutalement plongée dans le dénuement ; le héros découvre alors que « n’importe quelle maison peut être une maison de pauvre » (Trudel 1995b, p. 45).

L’espace public

En effectuant un mouvement du plus petit au plus grand, à l’instar des descriptions de l’auteur, nous examinerons les espaces publics – naturels ou culturels – dans lesquels s’insèrent ces espaces privés. Signalons d’entrée de jeu que les espaces urbains sont implicitement ou explicitement disqualifiés dans le roman de Trudel. Dans Le grenier de monsieur Basile, le personnage éponyme quitte la ville en soupirant : « […] j’ai usé mes pauvres yeux sur les murs de la ville… sur le béton… l’asphalte… la brique… » (Trudel 1997b, p. 8). Dans Le monde de Félix, la famille manque d’espace dans son appartement du troisième étage « au cœur de la ville », « près d’une grande artère » (Trudel 1996, p. 9). Le garçon est envoyé dans une colonie de vacances l’été. C’est dans un bureau du centre-ville que travaillait le père du « garçon qui rêvait d’être un héros » avant son congédiement. Une saison au paradis (1999) offre un avis plus nuancé, car le narrateur est partagé entre sa vie de quartier et ses étés à la campagne. De façon générale, la ville, dont la représentation emblématique est le gratte-ciel, lieu de travail des parents, est esquissée à grands traits.

Car la ville s’oppose au village, structure sociale sans cesse représentée par Trudel. Des éléments descriptifs sont repris de roman en roman : dominé par le clocher argenté de l’église, le village a pour centre une place ombragée, rafraîchie par une fontaine, agrémentée d’une statue. Quand le personnage principal est un enfant, l’école est un lieu important du village. Dans Yan contre Max Denferre, le héros voit son village du haut d’une colline : « Le haut clocher argenté de l’église brille au soleil couchant. La petite école toute rouge semble une tache de framboise. Et la lumière dorée du soir colore joliment les maisons. » (Trudel 2000a, p. 22) Comme le montre particulièrement Le grenier de Monsieur Basile, le village signifie avant tout une structure sociale, une communauté de gens qui se rendent mutuellement service6

6Le grenier de monsieur Basile a gagné le prix « Village du livre » créé par la Fondation internationale Espace-Enfants en 1998. Voir Desroches, 1998.
. Chaque commerçant prépare ses produits avec amour. La place est un lieu où l’on flâne et où l’on se fait des amis. Le vieil homme a longtemps cherché ce village dont il est tout de suite tombé amoureux. Dans sa quête, il n’avait rencontré que des bourgs, des banlieues, des localités, des faubourgs, des cités. On voit donc que chez l’auteur le village est avant tout intention de vivre ensemble, projet de vie communautaire. Au village est associé tout un personnel romanesque, en particulier de sympathiques curés que l’on voit davantage sur la place du village et à la cueillette des champignons que dans leur église7
7Voir Yan contre Max Denferre, Un secret dans mon jardin, Le voleur du poisson d’or, L’été de mes dix ans.
.

Le village s’ouvre en effet sur la nature. Dans deux romans récents : Yan contre Max Denferre et Le voleur du poisson d’or, le héros aime se promener en forêt. Dans le second roman, il découvre une mine abandonnée où il invite ses amis « éblouis » (Trudel 2001d, p. 23), leitmotiv de l’espace partagé. La nature est souvent décrite dans des termes l’apparentant au jardin d’Éden, comme le montre particulièrement Une saison au paradis. L’incipit se lit ainsi :

En vérité, le paradis est sur la terre, à la campagne ! Il est à Iberville8

8Signalons, pour les lecteurs auxquels la géographie du Québec n’est pas familière, que les toponymes (Iberville, rivière Richelieu) renvoient à des lieux existants.
. Au milieu des fleurs sauvages et des champs de maïs.

La plupart des gens passent sans le voir, parce que c’est un secret. C’est un pays d’oiseaux et de lumière où coule une rivière scintillante. La belle rivière Richelieu sur les rives de laquelle nous avons un petit chalet. (Trudel 1999b, p. 7)

Quand le cadre est rural, la fenêtre acquiert beaucoup d’importance dans la description du lieu de vie. Lieu-frontière, elle est souvent décrite dans les moments


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