réussit à dénicher un troisième indice : « Elle
attrape le cobra par la queue et le fait tournoyer au-dessus de sa tête. » (1998,
p. 13)
La rapidité avec laquelle Marie-Baba trouve des moyens originaux et efficaces de
vaincre ses ennemis laisse transparaître une grande vivacité d’esprit. L’intelligence de la
fillette se donne aussi à voir lorsque celle-ci doit déchiffrer les indices semés sur le
parcours par Beurre-Noir. C’est encore une fois avec rapidité et efficacité que
Marie-Baba déchiffre les énigmes qui lui sont posées : « La chasseuse de trésor consulte
ensuite son encyclopédie et son atlas. – La prochaine étape ne peut être que la
Ménopotalie du Sud, conclut-elle. » (1998, p. 12).
Une autre caractéristique éloigne la fillette de « l’éternel féminin » décrié par
Simone de Beauvoir (1949) : Marie-Baba a des aptitudes de leader qui lui permettent de
prendre les commandes d’une expédition de longue haleine et d’avoir quarante hommes
adultes sous ses ordres : « Ne vous en faites pas, les gars, je m’occupe de vous, lance
l’apprentie pirate, du haut du mât. » (1998, p. 22) La reconnaissant comme leur
meneuse, les quarante rameurs obéissent docilement à la fillette, sans jamais
questionner l’autorité de l’enfant : « Les rameurs sont dans une forme du
tonnerre. Ils attrapent chacun leur rame et oh! hisse! oh! hisse! Ils fracassent le
record mondial de vitesse de galère. » (1998, p. 23). Son appartenance au sexe
féminin et son jeune âge n’empêchent pas Marie-Baba d’être un chef accompli et
respecté.
Si l’héroïne est un capitaine qui sait s’adapter aux imprévus, elle est capable de
prendre soin de son équipe. Pour redonner de la vigueur aux rameurs paralysés par le
froid, elle leur sert un bouillon réconfortant. Or, prodiguer des soins est une
caractéristique traditionnellement féminine. Marie-Baba procède davantage d’une
déconstruction des stéréotypes sexuels que d’un simple renversement, puisque, chez elle,
le masculin n’exclut pas le féminin. Les deux pôles coexistent. Aussi les illustrations
présentent-elles une Marie-Baba dont l’apparence vestimentaire défie les critères de
beauté dictés par le patriarcat. Loin d’arborer de jolies robes roses et de petites
nattes bien sages, l’héroïne porte fièrement ses habits de pirate : chapeau noir
décoré d’une tête de mort, ceinture noire à grosse boucle dorée, bottes noires,
etc.
Marie-Baba s’éloigne résolument de la représentation de la fillette modèle, passive,
craintive, soumise et toujours bien mise. Sa personnalité et ses actions empruntent au
masculin et font ainsi éclater le système dichotomique du genre. Il est intéressant de
noter que l’entourage de la petite fille, exclusivement composé d’hommes, ne
reproche pas à celle-ci ses manières garçonnes et son manque de féminité.
Au contraire, les hommes qui gravitent autour d’elle acceptent d’emblée sa
singularité. Beurre-Noir a une telle foi en les aptitudes « masculines » de sa fille
qu’il l’incite à mener seule une dangereuse expédition à travers le monde, sans
jamais questionner ses capacités. Il en va de même pour les quarante rameurs,
comme nous l’avons mentionné précédemment. Nul doute que la singularité
de Marie-Baba est affirmée et reconnue par tous, peu importe leur identité
sexuelle.
2.2 Relativisme moral
Dans son souci d’abolir les dogmes et les systèmes totalisants, le postmodernisme s’en
prend notamment aux grandes catégories de la métaphysique occidentale.