mettre en
valeur l’importance de la relation qui unit Beurre-Noir et sa fille. Dans le conte
arabe, le trésor se constitue de pierres précieuses, d’objets de valeurs, d’or et
d’argent en si grande quantité que les richesses semblent inépuisables. L’album
reprend le motif du trésor, mais le déplace pour en faire le symbole de la relation
père/fille. Or, l’idée d’un trésor inépuisable demeure et l’intertexte permet
d’illustrer le caractère précieux et intarissable de l’amour qui unit le père et la
fille.
Un jeu sonore s’installe entre le titre du texte cible et celui du texte source.
Marie-Baba et les 40 rameurs reprend phonétiquement Ali Baba et les quarante voleurs.
Il en résulte une certaine complicité entre l’auteure et les jeunes lecteurs qui connaissent
l’existence de ce conte. Le « Marie » qui a remplacé le « Ali » confère au nom du
personnage une dimension plus contemporaine et plus occidentale. Les « voleurs » ont
également cédé la place aux « rameurs », ce qui est beaucoup moins menaçant. Ces
mots semblent avoir été choisis pour l’écho sonore qu’ils provoquent et pour le ludisme
qui découle de la similitude des deux intitulés.
La référence à Ali Baba et les quarante voleurs sème dans l’album la piste du conte en
général. Comme la structure générale du conte s’articule autour de la quête d’un trésor
ou d’un objet de valeur et que l’album dont il est ici question a pour trame narrative une
course au trésor, il est possible d’affirmer que l’allusion au conte vient refléter le
fonctionnement narratif de Marie-Baba et les 40 rameurs. Toutefois, là s’arrête le
reflet. On l’a vu, le conte et l’album obéissent à des structures légèrement
différentes, ce qui a pour résultat un Ali Baba fort passif et une Marie-Baba
des plus actives. Ce contraste vient mettre un terme à l’effet métadiscursif de
l’intertexte, le texte source ne nous renseignant plus sur les rouages internes du texte
cible. Soulignons toutefois que ce contraste a pour effet d’attirer l’attention sur
la spécificité de Marie-Baba, soit son autodétermination. Contribuant à la
caractérisation du personnage, cet élément pourrait faire partie de la fonction
herméneutique.
2. Traces postmodernes
L’album Marie-Baba et les 40 rameurs présente un certain nombre d’éléments
appartenant au postmodernisme. D’un point de vue formel, le dialogue intertextuel que
l’œuvre de Tremblay et Jolin entame avec le conte des Mille et une nuits participe de
l’éclatement et de la pluralité propres à l’esthétique postmoderne. En prenant
principalement appui sur la caractérisation des personnages, il est possible d’identifier
les représentations discursives s’apparentant dans l’album au postmodernisme. Avec la
pensée postmoderne, les dogmes sclérosés et les discours totalisants cèdent la place à la
multiplicité des expériences et trajectoires individuelles. Le tout s’exprime ici par le biais
du féminisme postmoderne et du relativisme des grandes oppositions de la métaphysique
occidentale.
2.1 Discours féministes et trajectoire postmoderne
Nombreuses sont les œuvres québécoises pour la jeunesse qui représentent des
sujets féminins reproduisant l’évolution des principaux courants féministes
depuis la percée des égalitaires et des radicales sur la scène politique jusqu’à
l’avènement d’un |