III. Aux frontières du « Home » et du « moi »
Il faut reconnaître que, si toutes les formules avancées trouvent, avec des nuances,
des échos dans les romans-miroirs, celles-ci réduisent le « Home » au foyer
familial, à la maison et ne rendent pas compte du « nombrilisme » de l’univers
adolescent.
Or, le « Home » est un concept dont il est difficile de préciser les frontières tant
il couvre un champ sémantique étendu, nourrit un réseau de connotations
particulièrement large et riche. « Mais qu’est-ce que le Home ? Un endroit ? Un tissu
de relations ? Un groupe de possessions ? »
Il n’y a pas de réponse valable universellement, ni même de réponse simple à la question de « où se
trouve le Home »29
HAYWARD, D.G. (1975). « Home As an Environmental and Psychological Concept »,
Landscape, 20 (1), Octobre, p. 3.
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.
Pour Porteous
30
PORTEOUS, J.D. (1976). « Home : The Territorial Core », Geographical Review, 66 (4),
Octobre, p. 383–390.
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,
l’espace géographique s’organise à partir de l’opposition « Home – non-Home » car si
l’individualisme est marqué par l’anthropocentrisme, l’ethnocentrisme et l’égocentrisme,
il est aussi influencé par une vison domocentrique de l’espace, c’est-à-dire une conscience
de l’espace articulée autour du « Home » qui lui est familier. Mavis Reimer et Anne
Rusnak
31
REIMER, M. et A. RUSNAK, op. cit.
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ont signalé qu’on ne peut réduire la notion de « Home » à celle d’un espace physique et
qu’il faut tenir compte de ses connotations sociales, politiques, historiques. Le
concept de « Home » renvoie tout autant à un état d’esprit et à un sentiment
d’appartenance, à tout un réseau de valeurs, de croyances, d’hypothèses sur la nature du
monde
32 .
Selon Rosemary Marangoly George, pour qui « Le Home est aussi l’endroit imaginaire
qui peut être plus facilement situé dans un espace mental que dans un lieu géographique
déterminé »
33
GEORGE, R.M. (1996). The Politics of Home : Postcolonial relocations and twentieth-century
fiction, Cambridge, Cambridge University Press, p. 11.
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,
la notion de « Home » est construite sur un réseau d’inclusions et d’exclusions qui donc
implique la reconnaissance d’une différence, d’une altérité. Le « Home » est ainsi défini
comme un espace qui fonctionne sur l’opposition du même et de l’autre, de
l’appartenance et du rejet. Le concept ne peut donc être ni politiquement ni
idéologiquement neutre. Ainsi, les représentations du « Home » varient non seulement
d’une culture à l’autre mais également au sein d’une même culture. Il n’est pas certain
que ce terme soit toujours utilisé avec les mêmes connotations, les mêmes significations
implicites, les mêmes préjugés idéologiques. Car, le « Home » est au centre d’enjeux
fondamentaux, tant dans la représentation de l’espace et de notre environnement que
dans l’affirmation de l’individu et d’une quête de l’identité. Le Home est d’abord un
espace « habité », profondément ancré dans la psyché, reflet de l’être et lieu d’une
identité qui se forge.
Marie Fradette avance que la métamorphose de la figure de l’adolescent atteint son
point culminant dans les années 1980. « L’argent et la course au profit succèdent aux
anciennes valeurs et favorisent l’établissement du sujet adolescent comme entité
sociale »34
FRADETTE, M. (2000). « Évolution sociogrammatique de la figure de l’adolescent depuis 1950 »,
dans Les figures de l’adolescence dans la littérature de jeunesse, Cahiers de la recherche en
éducation, 7 (1), p. 82.
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« Le récit introspectif est centré sur le moi du personnage qui se définit, s’exprime, se
regarde et s’écoute. La trame narrative s’intéresse à l’adolescent et à