son milieu et le je
n’a d’intérêt que pour eux. À cet effet, le narcissisme caractérise bien la littérature de
jeunesse des années 80–90 et l’autoportrait est essentiel au développement de la
figure adolescente. »35
Les romans à la première personne qu’on destine aujourd’hui aux adolescents pour leur parler d’eux-mêmes sont en effet construits autour d’un point de vue unique. C’est toujours la voix d’un adolescent que nous entendons dans des récits, souvent à la première personne, qui prennent des allures de journal intime. Dans le roman de formation traditionnel le moi est un moi en transhumance. Il tend vers un autre, vers un ailleurs qui est celui de l’intégration dans le monde des adultes. Curieusement, plus le développement des moyens de communication favorise l’élargissement de notre espace mental, culturel et intellectuel, mettant le bout du monde à la portée de tous, plus le roman destiné aux adolescents, du moins dans certaines de ses incarnations contemporaines, se replie sur l’intimité de son personnage. Le roman des années 90 a tendance à s’abîmer dans un univers où le héros se heurte perpétuellement à lui-même et où les lendemains sont enmurés dans une inquiétante grisaille. Ce rétrécissement témoigne-t-il d’une vision particulière du monde et participe-t-il ainsi à un processus idéologique, à savoir l’idée que l’on se fait aujourd’hui de l’adolescent mais peut-être aussi image dans laquelle on voudrait l’enfermer ?. On peut alors se demander si l’adolescence n’est pas devenue un monde en soi, un état et non plus une étape dans une évolution dont le terme était jadis l’intégration dans la société existante. Le « moi » semble l’incarnation ultime, centrifuge du « Home ». Rien n’existe en dehors de lui.
Références
Ouvrages critiques
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