et la transformation de ce lieu hostile en un
lieu accueillant passe par une crise dramatique au terme de laquelle le héros a
évolué, où le regard qu’il jette sur cet ailleurs qui doit devenir son « Home » a
changé comme ont changé les regards dont on l’entoure, au sein de cet ailleurs.
Curieusement, quand l’action se déroule au Liban, le récit est à la troisième
personne, alors que la forme du journal intime s’impose dès que le héros s’installe
au Québec, comme si l’intégration dans un nouveau « Home » passait par
l’auto-narration.
On pourrait penser que le foyer familial véhicule, dans la perception adolescente
du « Home », des valeurs négatives qui nuisent à l’épanouissement du moi
adolescent. Présentation des adultes avec leurs problèmes et leur fragilité.
Déidéalisation23
LEPAGE, F. (2000). Histoire de la littérature pour la jeunesse, Orléans, Les Éditions David,
p. 300.
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L’étiquette sous laquelle la critique anglosaxone range le roman-miroir ou roman
socioréaliste est signifiante : le « problem novel » est en effet caractérisé par
l’apparition de « problèmes » au sein du l’univers familial, qui fissurent le « home »
ou la représentation idéalisée que pouvait encore en avoir l’adolescent. Ces
problèmes soit surviennent de l’extérieur (violence…), soit naissent dans l’entourage
familial ou immédiat de l’adolescent (divorce des parents, maladies, décès…), soit
proviennent de l’adolescent lui-même et sont liés à l’adolescence (anorexies…). Dans
tous les cas, ils sont une menace pour le « Home », tout à la fois désacralisé
mais aussi émietté, et une menace pour le moi adolescent dans sa quête d’une
identité.
On serait donc tenté de privilégier toutes les formules qui invitent à aller voir ailleurs
si l’herbe n’est pas plus verte. Le « Home » serait fondamentalement un lieu à fuir ou à
transformer, voire à reconstruire, ici ou ailleurs. Mais, on sait bien qu’il est impossible de
réduire le roman de l’adolescence destiné aux adolescents à une vision pessimiste du
« Home ». Et, même ainsi, le roman miroir n’en continuerait pas moins de proclamer sa
foi en l’utopie du « Home ».
On peut aussi penser que c’est la réalisation de soi, la traversée de l’adolescence qui
est délicate et perturbe le « Home ». Ce n’est pas le « Home » qui nuit vraiment
à la réalisation des aspirations adolescentes dans les romans de Dominique
Demers24
DEMERS, D. (1992). Un Hiver de tourmente, Montréal, La courte échelle, « Roman+ » ;
(1993). Les Grands Sapins ne meurent jamais, Montréal, Québec / Amérique, « Titan » ; (1994).
Ils dansent dans la tempête, Montréal, Québec / Amérique, « Titan ».
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Quelques interdictions certes, mais l’ entente avec la mère reste profonde et la sollicitude
des adultes entoure Marie-Lune lorsqu’elle est enceinte. C’est la vie, le dehors, l’ailleurs
si l’on veut, qui érode le « Home », nuit à la réalisation des aspirations adolescentes, à
la migration du moi adolescent vers un autre moi. La vie, c’est-à-dire la maladie, et la
mort de la mère. Mais ces accidents qui mutilent le cocon familial ne sont-ils pas des
étapes nécessaires vers une intégration dans le monde des adultes, dans la société, dans
la vie ? Là, on peut même envisager la traversée de l’adolescence comme tiraillée,
non pas entre un « Home » originel plus ou moins satisfaisant et un ailleurs
pourvu de toutes les grâces, mais entre deux « Homes », deux visions qui
entrent en conflit. D’un côté, le monde de l’enfance, de l’autre le monde des
adultes.
Dans les romans de Paule Daveluy (cycle Rosanne commencé en 1958 et dont l’action se situe
en 1935–36)25
DAVELUY, P. (1996) L’Été enchanté, Drôle d’automne, Cet Hiver-là, Cher printemps, Réédition
Québec / Amérique, Boucherville, Québec.
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il est bien question de renoncer à son enfance pour