II. Le « Home » et le miroir de l’adolescence
On peut sans difficulté trouver dans les romans miroirs québécois des années
90 des œuvres qui répondraient aux différentes formules avancées pour
caractériser le livre destiné aux enfants. Dans Cassiopée, l’été polonais de
Marineau19
MARINEAU, M. (1988). Cassiopée, L’été polonais, Boucherville, Québec, Québec / Amérique,
« Titan ».
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l’héroïne s’enfuit de chez elle parce que le foyer familial ne lui convient plus. Elle y
reviendra cependant à la fin. C’est une évolution du personnage qui permet le retour au
bercail et change sa vision du « Home ». En fait, on assiste à une double mutation :
une transformation du « Home » qui provoque d’abord une réaction de rejet et une
transformation de l’héroïne qui la conduit à accepter la nouvelle situation. L’image que
la jeune adolescente a du « Home » est, en effet, au début, perturbée par l’intrusion
d’un étranger, d’un Autre : annonce de l’installation prochaine du compagnon de sa
mère. Au cours de sa fugue, Cassiopée est hébergée par une famille polonaise qui
incarne alors, à ses yeux, un « Home » idéal, au sein duquel toutes les aspirations
individuelles semblent pouvoir se réaliser et qui vient donc compenser un manque,
expérience qui coïncide pour elle avec la naissance des premiers émois amoureux. Mais
l’image du « Home » idéal que l’héroïne s’est fabriquée ne correspond pas à la
réalité. Il suffit que l’héroïne en prenne conscience pour évoluer et retourner
vivre auprès de sa mère en acceptant la présence de l’Autre au sein du foyer
familial.
Autre histoire de fugue : Élisa de noir et de feu de Raymond
Plante20
PLANTE, R. (1998). Élisa de noir et de feu, Montréal, La courte échelle, « Roman+ ».
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À la mort de sa grand-mère, en désaccord avec son père, Élisa quitte la maison familiale
dont elle héritera finalement et qu’elle retournera habiter, avec le sentiment de faire un
pas en avant et non pas celui de nourrir une nostalgie pour des temps anciens où tout
était bien et un « Home » originel idéalisé. Car, comme le proclament les derniers mots
du texte en reprenant une formule qu’affectionnait la grand-mère : « la vie, la vraie vie,
c’est devant ».
Dans Le raisin devient banane21
PLANTE, R. (1989). Le Raisin devient banane, Montréal, Boréal, « Boréal Inter ».
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dernier des romans de la suite que Raymond Plante a consacrée à François Gougeon, son
jeune personnage décide de s’installer dans un appartement en ville avec son
ami Luc. Le « Home » originel n’est pas devenu insupportable, mais il faut
bien voler de ses propres ailes. L’endroit choisi n’est pas idéal mais le jeune
héros n’épargne pas ses efforts pour le transformer en un lieu accueillant qu’il
lui faudra bientôt défendre contre les assauts d’un intrus, amené par son ami
Luc, individu dont l’égoïsme et les activités menacent le « Home » à peine
ébauché et l’amitié entre François et Luc. Le perturbateur sera finalement
chassé.
On peut aussi citer La Route de Chlifa de
Marineau22
MARINEAU, M. (1992). La Route de Chlifa, Boucherville, Québec, Québec / Amérique,
« Titan ».
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qui appartient au genre du récit d’immigrant. La guerre chasse de chez lui le jeune
Karim qui sera contraint de fuir le Liban, son pays, et de trouver refuge au Québec.
Le récit est d’abord celui d’une traversée, un voyage à travers un pays, un
« Home », qu’il faut quitter et dont on n’arrête pas de chanter les paysages.
L’installation au Québec est douloureuse