| Ailleurs, Perry Nodelman 13
NODELMAN, P. (1996). « Progressive Utopia : Or, How To Grow Up Without Growing
Up », dans S. EGOFF, G. STUBBS, R. ASHLEY et W. SUTTON, Only Connect –
Readings on Children’s Literature, Toronto – New York – Oxford, Oxford University
Press.
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distingue les romans destinés aux garçons des romans destinés aux filles. Dans les
premiers, le héros quitte la maison pour aller affronter le monde avant de revenir chez
lui. Les seconds s’ouvrent souvent sur l’arrivée de la petite fille dans un endroit qu’elle
devra apprivoiser et qui finira par devenir son foyer. Si le « Home », avec toutes
les valeurs qu’il représente, préexiste dans les premiers, dans les seconds on
peut dire qu’il est à construire ou à parfaire. Nodelman qualifie alors d’utopie
progressive ces récits : « Ils s’ouvrent avec l’arrivée de l’héroine dans un endroit
presque parfait et grâce à l’influence de l’héroine sur la communauté l’endroit se
rapproche encore davantage de la perfection […]. La marche vers le bonheur des
habitants de l’utopie est leur réalisation croissante du fait que le Home est en fait
l’utopie. » 14 .
Mavis Reimer et Anne Rusnak15
REIMER, M. et A. RUSNAK (2000). « The representation of Home in Canadian Children’s
Literature / La représentation du chez soi dans la littérature de jeunesse canadienne »,
Septembre.
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proposent trois modèles de récits. Dans le premier, l’enfant quitte le « Home »
pour parcourir le monde, même si le « Home » n’est pas toujours associé aux
idées de sécurité et de danger et ce n’est pas toujours la quête d’aventure
qui pousse l’enfant à quitter le foyer familial. Dans le second, c’est l’aventure
qui envahit l’espace du « Home ». Dans les récits du troisième, que les
auteurs assimilent au récit d’immigrant, l’enfant quitte le « Home » primitif
et, après maintes aventures et maints périls, se façonne un autre « Home »,
ailleurs 16
« In choosing ‘away’ as home, the child also chooses a new definition of home in which the desire
for safety, order, calm, control, and restraint is tempered by the understanding that such values are
not, in fact, the ideals they have appeared to be and that, moreover, such values are not found but
created. Because the decision to embrace ‘away’ as home involves a new understanding of home … »,
Ibid., p. 24.
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.
Avec des nuances, toutes les formules présentées placent le « Home » au cœur d’une
problématique qui cherche à appréhender la spécificité de la littérature de jeunesse. Pour Virginia L.
Wolf17
WOLF, V.L. (1990). « From the Myth to the Wake of Home : Literary Houses », Children’s
Literature, 18, p. 53–67.
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, il
ne fait aucun doute que le « Home » est le thème dominant de la littérature
enfantine : « Alors qu’une grande partie de la littérature pour adulte lamente
notre isolement et reflète la fragmentation ou la perte du mythe, la plupart
de la littérature pour la jeunesse célèbre la notion de Home et réaffirme le
mythe. » 18
De quel côté regarde le roman destiné aux adolescents, genre que l’on pourrait
considérer comme bâtard dans la mesure où il se cherche entre le roman destiné aux
enfants et le roman destiné aux adultes, genre instable dans la mesure où il
hésiterait entre deux incarnations du mythe du « Home » ? Faut-il, à l’aide des
distinctions opérées par la critique, tracer une frontière entre littérature enfantine et
littérature destinée à l’adolescence avec un roman destiné aux enfants où le
« Home » jouirait d’une image particulièrement favorable et un roman pour
adolescents où le « Home » serait fondamentalement un objet de répulsion ou de
contestation ?
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