- 15 -Gervais, Flore; Noël-Gaudreault, Monique: Littérature de jeunesse et espaces identitaires 
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de l’histoire permet la « re-connaissance littéraire » de l’espace. Un tel type de connaissance résulte, selon Ronald Shusterman, du « mariage d’un savoir déjà acquis avec une connaissance de soi » (Lecercle et Shusterman, 2002, p. 154). Encore là, la présence du sujet est mise à contribution. Cela dit, au contraire de ce que plusieurs estiment théoriquement recevable, Shusterman dénie aux textes littéraires le statut d’instrument de cognition, de moyen d’accéder à la connaissance, rôle qu’il réserve en propre à la science.

Dans le roman La boîte à bonheur de Charlotte Gingras, le moment où Clara consulte le plan de la ville coïncide avec la ligne de tension accessibilité/littérarité. Dans cette perspective, le lieu emblématique que constitue pour elle le piano sert de clé de voûte pour la lecture de l’espace cartographié dans le roman. Chacune des parties de cet espace construit en œuvre fournit une illustration du principe d’économie qui régit la configuration spatiale de la typologie urbaine romanesque (qui ne correspond à celle d’aucune ville connue et que l’on doit à la création originale de l’auteure). Cette configuration renvoie à une conception particulière de l’espace de la ville redevable à une connaissance topographique du local et à l’expérience subjective de l’héroïne qui fait la découverte de zones qu’elle n’a jamais explorées jusque-là. L’altérité de la ville est perçue à l’aune d’une plus ou moins grande correspondance avec le projet du personnage qui cherche à ramener, par tous les moyens, à sa famille, l’espace unique, le paradis perdu de la boîte à bonheur, ce piano qui est une promesse de retrouvailles avec sa mère. Au terme des pérégrinations de la jeune fille, c’est finalement dans le quartier voisin que son aventure trouvera sa clôture. En se rapprochant ainsi de son point de départ, Clara boucle un itinéraire qui l’aura menée du familier, à l’inconnu, puis au presque familier, transformant au fil de son parcours l’altérité en ce que Shusterman appelle une « expérience identitaire », une expérience reconnaissable qui « universalise l’altérité initiale » (Lecercle et Shusterman, 2002, p. 115).

2.3 Littérarité/intentionnalité (L/I)

Pour conclure mon propre trajet, je traiterai brièvement de la ligne de tension littérarité/intentionnalité qui signale la fin du circuit complet de l’architectonique de l’espace romanesque. Point culminant de l’élaboration de cet espace, la tension L/I coïncide avec lespace symbolique engendré par l’interaction entre l’espace représenté et la configuration spatiale singulière de l’espace romanesque telle qu’elle s’actualise par la cartographie spatiotemporelle de l’itinéraire du personnage. La prise en compte de tous les « signes » spatiaux du roman – qui pourraient également comprendre la métaphore spatiale, celle que Genette appelle « l’espace-figure » – permet d’éclairer les sens seconds de l’histoire. La fonction sémiosique est donc, dans ce cas, mise à contribution.

Dans le roman de Charlotte Gingras, Clara explore tous les quartiers de la ville avant de découvrir que l’espace du bonheur – celui du piano – se trouve, en fait, dans une maison tenue par des religieuses, sise dans le quartier voisin du sien. Exprimant sans le formuler explicitement le fait qu’il est parfois illusoire de chercher au loin le bonheur, cette proximité n’est pas innocente. Qui plus est, ce quartier où se trouve le piano – celui des artistes – entretient un lien symbolique avec le double idéalisé de la mère, ex-chanteuse, dont l’absence psychologique est manifestée dans


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