- 13 -Gervais, Flore; Noël-Gaudreault, Monique: Littérature de jeunesse et espaces identitaires 
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sujet » (Lecercle et Shusterman, 2002, p. 115) ; la littérature, affirme-t-il, « écrit le monde, et nous permet de le connaître » (Lecercle et Shusterman, 2002, p. 185).

S’adressant à un jeune public, la littérature pour la jeunesse affiche une conscience aiguë de son destinataire (I), un être en développement qui ne possède pas encore tous les outils nécessaires pour comprendre le monde dans lequel il vit (A). À cet égard, la ligne de tension I/A s’avère essentielle. Elle est porteuse de l’espace représenté (que l’on pourrait aussi dire « espace dénoté »). Sur son axe se voient combinés tous les éléments du texte permettant la reconnaissance de l’espace et des lieux romanesques génériques et référentiels. Elle construit pour le jeune lecteur un répertoire des objets spatiaux nécessaires pour l’arrimage de ses connaissances lacunaires à la géographie particulière du roman. L’incipit de La boîte à bonheur ressortit sans aucun doute à cette tension I/A.

Le piano est parti. Et le grand sofa fleuri. Avec le lit des parents. Et, en même temps que le reste, nous d’un bord et grand-mère de l’autre, on est partis aussi. Un déménagement monstre. La veille, j’avais entendu mon père dire à maman, d’une voix sans réplique : « On vend le piano et quelques meubles. On sera trop à l’étroit dans le nouvel appartement. »

C’est vrai que le piano à queue, abandonné à l’arrière du salon double, était désaccordé. Personne n’y jouait plus depuis des années. Moi seule allais encore le visiter, caresser ses flancs, m’asseoir sous son ventre pour lire ou pour rêver.

Et à la maison, il n’y avait plus de vraies fêtes de Noël ou d’anniversaires, rien. Et tellement d’espace inoccupé, même avec grand-mère enfermée dans sa chambre, que j’entendais mes pas résonner dans le corridor. (Gingras, 2003, p. 7–8)

Cette scène diffère grandement de celle citée plus haut au cours de laquelle Clara étudie la configuration de la ville sur une carte, inscrivant le local dans le lointain. Le présent passage a pour point focal la maison. Il privilégie une géographie du quotidien fondée sur une localisation minimale, celle d’un intérieur ordinaire au sein duquel le seul élément « exceptionnel », celui qui donnera toute sa couleur au roman – le piano, la « boîte à bonheur » –, vient d’être arraché.

Les références à l’espace sont simples ; des objets : un lit, un piano, un sofa ; un salon double, un corridor. Il est intéressant de noter que le piano, à lui seul, délimite l’ensemble de l’aire habitée par Clara dans la maison : un espace pour enfant, puisqu’on imagine mal un adulte s’asseyant « sous [le] ventre [du piano] pour lire ou rêver ». Tout le reste de la maison est qualifié d’ « espace inoccupé », jusqu’à la chambre de la grand-mère dont la mention n’est que la chronique d’un vide annoncé, une vacuité dont la résonance sourde annonce l’attention absente de la mère, le départ prochain du père.

Premier vecteur de l’élaboration de l’architectonique de l’espace romanesque, la ligne de tension intentionnalité-accessibilité privilégie ici – comme dans la plupart des romans pour la jeunesse – le local. Les représentations spatiales qui lui sont associées composent, pour le lecteur, le squelette de l’espace romanesque. Elles favorisent l’accès à l’univers fictif, ce d’autant plus qu’elles sont familières à l’enfant. À ce titre, elles constituent tant des foyers d’accessibilité que des foyers d’intention


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