tout en
se détachant des grands idéaux modernes, tente de s’y adapter. (Charles, 2004, p. 34)
Comme l’indique le philosophe, « les individus hypermodernes sont à la fois plus
informés et plus déstructurés, plus adultes et plus instables, plus critiques et plus
superficiels, plus sceptiques et moins profonds. » (Charles, 2004, p. 36) Autrement dit,
l’être hypermoderne porte en lui des contradictions qu’il ne cherche ni à résoudre ni à
abolir. En ce sens, il ne peut être confondu avec l’acteur postmoderne rompu au
narcissisme. La postmodernité, faut-il le rappeler, correspond à un moment historique
précis : la société post-industrielle a donné lieu à « la manifestation de désirs
singuliers, de l’accomplissement individuel, de l’estime de soi. » (Charles, 2004, p. 28)
Ce courant, connotant la fin des grands projets collectifs et rassembleurs, a
été décrit comme « l’ère du vide » par Lipovetsky (1983). À l’encontre du
Narcisse postmoderne, l’individu hypermoderne s’intéresse au climat social. Il ne
voit pas nécessairement dans les diverses manifestations du moi une forme
d’affranchissement. Dans un contexte culturel où la postmodernité semble avoir fait
place à l’hypermodernité, qu’advient-il des discours féministes qui circulent
dans les textes pour la jeunesse et des représentations des fillettes que ceux-ci
articulent?
1. La reconnaissance de la spécificité et la volonté individuelle
La série romanesque qui retient notre attention met en scène deux fillettes dont l’une,
répondant au nom de Laurence Pinault, assume la narration des événements et dont
l’autre, Étamine Léger, se pose comme le personnage autour duquel s’articulent les
principaux mouvements de l’action. Narratrice du récit, Laurence prend la parole et
emprunte le je pour raconter l’histoire dont elle est une actrice importante.
Dans ce contexte, elle n’hésite pas à pratiquer l’autocritique et à adopter un
point de vue reflétant ses désirs et ses systèmes de croyances. Bien ancrée dans
l’hypermodernité, la posture de Laurence renvoie à la réflexion sur soi et « va
de pair avec la « prise de parole », l’autoréflexivité […] » (Lipovetsky, 2004,
p. 109–110).
La société hypermoderne a favorisé l’émergence d’un individu qui tend vers un
« idéal de pleine réalisation de soi » (Lipovetsky, 2004, p. 141). Au sein du récit qui
nous occupe, les revendications et la volonté individuelle s’incarnent principalement chez
le personnage d’Étamine Léger : « Étamine fait ce qu’elle veut » (1997, p. 75) ; « Elle
n’est pas toujours commode, Étamine. Mais elle sait ce qu’elle veut. » (1998,
p. 31). Au seuil de l’adolescence et au cœur d’une quête identitaire, la fillette
s’affirme et énonce clairement ses souhaits et ses choix : « Je changerai d’école
si je veux, je mangerai des gâteaux si je veux, je retrouverai mes parents si
je veux et j’aurai cet œil au beurre noir si je veux! » (1997, p. 73). Par son
comportement, la fillette déconstruit les « normes » du féminin. Elle répond toujours
du tac au tac, n’a peur ni de l’autorité ni d’exprimer ses idées. En outre, elle
excelle en mathématiques, domaine qui, dans la croyance populaire, est plutôt
masculin.
À ces expressions tangibles de la volonté d’un sujet féminin se conjugue une quête
d’égalité en dépit des différences subsistant entre les individus. L’âge hypermoderne
« exige la reconnaissance de l’autre comme égal dans sa différence. » (Lipovetsky,