À l’image du nom et de la description physique, le portrait psychologique de David, qui se caractérise par son identité sexuelle et son profil psychologique, offre un paradoxe dans les conventions. Ce personnage masculin confirme la thèse avancée par Françoise Lepage voulant que les stéréotypes en littérature pour la jeunesse aient été complètement inversés. En effet, elle soutient que « les petites filles y jouent les « dures » et les affranchies, tandis que les garçons manifestent plus de sensibilité, de compréhension et d’ouverture et sont plus fréquemment présentés comme des victimes ou des anti-héros (Lepage, 2000, p. 295) ». David se présente comme un anti-héros qui n’est ni courageux, ni très fonceur face au danger réel ou imaginé. Sensible, tout le terrorise. Gravel explore les multiples facettes des peurs qui tenaillent l’enfant au quotidien. Nous constatons qu’il explore deux grands types de peur : les peurs réfléchies, qui se caractérisent par un risque potentiel comme la peur du chien ou des hauteurs, et les peurs irrationnelles, nourries par une imagination fertile comme la peur du noir, de la forêt, des monstres, de l’orage.

En effet, dans David et le Fantôme, la peur du chien provient d’une origine réelle, car la rencontre de l’animal agressif et menaçant suscite une certaine appréhension du danger potentiel. L’anti-héros adopte un comportement prudent face à l’animal, il se place en état de survie. Réfléchi et débrouillard, il parvient à apprivoiser l’animal en lui offrant de la nourriture. Empathique, David comprend rapidement que le chien n’est qu’affamé.

Par ailleurs, la peur du noir est une phobie typique du monde de l’enfance qui est représentée dans David et l’orage. David pratique l’évitement face à la noirceur de sa chambre et tente de retarder le moment de se retrouver seul dans celle-ci, pendant qu’un orage sévit à l’extérieur. Cette réaction ne sera pas sans conséquence : cette peur est nourrie par une imagination débordante. L’obscurité a une symbolique inquiétante et renforce le sentiment de solitude. La vie imaginaire très riche de David vient alimenter le manque de repères familiers et rassurants. Le moindre craquement de plancher devient le pas d’un monstre, deuxième peur très fréquente chez l’enfant car, peu importe la figure qu’elle revêt, elle est présente dans l’imaginaire du personnage. David ne distingue pas encore son monde interne de son monde externe. Dans David et les monstres de la forêt, le personnage fait l’inventaire des créatures qu’il peut rencontrer : « Et… si on rencontrait des broyeurs noirs ou des gargouilles à mandibules? des arrache-nez ou des perce-yeux? Des étrangleurs en série ou des déchiqueteurs à dents de scie? (David2, p. 15) ». Son imagination provoquera même de l’insomnie due à ses « pensées [qui] ne veulent jamais s’endormir (David5, p. 9) ». La peur du loup, autre phobie classique chez l’enfant, compose également ce récit. La représentation du loup mangeur d’hommes meuble l’imaginaire collectif ainsi que les contes traditionnels. Le personnage fait référence à cette croyance lorsqu’il traverse la forêt.

De plus, David fait fréquemment les mêmes cauchemars qui l’effraient dans David et les crabes noirs. Il rêve que des clowns veulent le manger et il se réveille apeuré. Il se rendort et son rêve continue. Le scénario se poursuit avec des crabes géants. Le personnage doit apprivoiser cette peur, car il avoue : « j’ai peur de recommencer mes cauchemars chaque nuit ! Je ne veux plus jamais dormir ! (David6, p. 30) ».

De même, dans David et le salon funéraire, le personnage affronte la peur des morts. Il ne craint pas les cimetières, car « les morts sont enfermés dans des cercueils,