4. Conclusion : vers l’album
Les volumes Galipette, d’une portée littéraire autrement complexe et d’une conception
graphique bien plus poussée, vont accentuer ce rapport fondé sur les jeux de
l’imaginaire. Intituler un volume Robinson-Toupie et articuler les jeux de plus en plus
imaginatifs du héros autour des thèmes de la solitude et de l’île déserte, proposer Le
Petit Toupie rouge, et refaire Perrault – car les personnages prennent le célèbre conte a
contrario et le déconstruisent joyeusement –, créer Toupie et le sommeil perdu et donner
l’inventaire parodique des contes, c’est inscrire la quête ludique de Toupie de plain
pied dans le monde culturel des bambins au seuil de leur troisième année. Les
albums confirment, d’une part, la mainmise de l’imaginaire des enfants sur les
albums, maintenant peuplés de nombreuses créatures anthropomorphes. Par
exemple, dans le Robinson, lorsque Toupie assoiffé réclame de l’eau, un verre du
type cocktail martini émerge de la mer, apporté par un immense serpent de
mer que l’on ne peut interpréter que comme un substitut du père ou de la
mère.
Or les rôles se spécialisent : Binou se limite à celui de spectateur même si souvent il
se montre plus astucieux que son comparse et le manipule comme dans Super Toupie ;
mais Toupie, quant à lui, sait lire les boîtes de céréales (Abracadabra Toupie) tandis que
dans L’Halloween de Toupie, « Binou ne sait pas compter » et « est trop petit »
(Jolin, D4, n. p.). Que conclure donc?
Toupie et Binou ne sont pas des enfants, certes, mais des substituts ou hypostases
d’enfants. Grâce à leur ingéniosité et à leur imagination triomphale, ils nous renvoient
au nouveau modèle du nourrisson et du bambin monstres que l’on observe de plus en
plus dans les albums du Québec. Ou monstres au sens propre du terme, ou enfants
doués de pouvoirs surhumains ou surnaturels, ces personnages assouplissent le
programme éducatif traditionnel des albums pour très jeune lectorat et font entrer
celui-ci dans une réalité polymorphe, résolument postmoderne. Le petit peut concevoir
un monde où un enfant turbulent peut aimer jouer tout autant au Robinson pirate qu’au
petit chaperon rouge et cela en cédant l’initiative à plus faible mais plus futé que
soi4
Parmi les prolongements récents de ces albums, signalons la série d’animation Toupie et Binou ,
soit 104 petites histoires de cinq minutes chacune recoupées en épisodes de 25 minutes, à l’intention
des enfants d’âge préscolaire (2 à 5 ans). La série est produite par Spectra Animation et Treehouse
avec la collaboration de Dominique Jolin, et diffusée depuis septembre 2005. Voir le site internet de
l’émission à http://www.toupieetbinou.com/
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Bibliographie
1. Corpus étudié
Les séries Toupie et Binou de Dominique Jolin, auteure et illustratrice, toutes publiées
chez Dominique et cie. Les albums ne sont pas paginés.
NB : nous n’avons pas eu accès aux albums entre [ ].