de lapin, ce
qui ajoute un animal favori des tout-petits que le format ne permettait pas
d’inclure et ce qui suggère un rapport référentiel par allusion plus complexe.
Comme si l’univocité absolue ne pouvait exister. Enfin, signalons l’invitation à la
coopération privilégiée entre l’enfant et le parent. Le cri calligraphié renvoie, si
l’on regarde de près les illustrations, en même temps au monde représenté –
Caillou et/ou l’animal ouvrent la bouche ou la gueule donc authentifient le
cri, ou, dans un rapport plus indirect, la réaction du personnage suggère la
pertinence du cri – tout comme il présuppose la lecture mimétique du parent qui
actualise ce rapport sémiotique et, ainsi, remplit le contrat d’apprentissage du
livre.
Ces albums Caillou, de conception industrielle, semblent exclure a priori toute
dimension « littéraire » (Compagnon, 1998, p. 29–46). Un examen plus attentif
pourrait, cependant, remettre en question cette vue de l’esprit. En effet, si les
abécédaires et les livres à contenu référentiel univoque impliquent un discours
utilitariste, empirique et réfractaire à la polysémie, certains bébés-livres en revanche,
recourent à des stratégies narratives et iconographiques, efficaces certes, mais
polyvalentes en soi. Certaines séries au rapport texte-image dynamique, dont Toupie,
entretiennent un faisceau d’allusions au premier et au second degré qui les
rapprochent ainsi des albums pour lectorat d’âge préscolaire (Demers et Bleton, 1994,
p. 128–130). Les mises en situation des personnages et la théâtralisation de leurs
jeux actualisent des récits appartenant, entre autres, aux contes, aux légendes
et à des genres paralittéraires. Or, dans ces bébés-livres, ce qui mérite une
analyse approfondie, c’est moins les allusions que leur fonction : elle initient
l’enfant à la culture littéraire, mais tout en étant moins redevable à un discours
didactique qu’à un discours fondamentalement ludique. En somme, ces bébés-livres
proposent une propédeutique axée sur le plaisir du texte échappant au cadre
institutionnel.
2. Les séries mettant en vedette Toupie et Binou
Définies par leur éditeur comme « livres pour les bébés – à partir de 3 ou 6 mois » selon la
collection2
,
les quatre séries de Dominique Jolin, soit celles, bien connues, mettant en vedette
Toupie, son faire-valoir Binou,
Chatouille et
Galipette, et celles plus sages en apparence
de
Binou, soit
Au bain Binou et la collection éponyme
Binou, respectent à première vue
les paramètres des albums cartonnés pour très jeune lectorat tels que Suzanne Pouliot
les a identifiés dans son étude intitulée
Les Bébés-livres ou l’émergence de
l’écrit (Pouliot et Lacroix, 2001, p. 25–28). Toutefois, ces ouvrages conçus pour
l’apprentissage de soi et de la vie en société se démarquent de la plupart des séries
concurrentes par leur originalité et leur audace. Par exemple, le recours à l’image
de l’animal humanisé, comme actant/personnage et comme représentation
métaphorique du héros-enfant, donne lieu à de singuliers renversements de rôles et de
valeurs ; en effet, si chacun des petits albums
Toupie reprend les thèmes et les
unités pédagogiques du genre, il n’en reste pas moins que se manifeste une
volonté de renouveler ou de dépasser les limites du format bébé-livre. Ainsi, les
micro-aventures mettant en valeur la découverte de soi et celle du monde donnent lieu à
d’étonnantes réalisations graphiques où l’enfant-« lecteur »,