Qu’entendons-nous par héros?
Le héros est généralement désigné par le titre. Selon une tendance actuellement bien
représentée mais fort ancienne, le roman pour la jeunesse est centré sur une figure
juvénile. Chez Tibo, le héros est le plus souvent le narrateur de l’histoire, qui se trouve
ainsi racontée du seul point de vue de l’enfant. Dans les titres retenus, La vie comptée de
Raoul Lecompte représente une exception. L’état d’enfance est fréquemment souligné
dans le titre : Le petit Géant, Le petit musicien, Le petit maudit, La petite fille qui ne
souriait plus. Parfois, cette qualité s’applique à un adulte : Choupette et son petit
papa.
À côté de ces cas simples : « un récit = un héros », on rencontre des cas plus
complexes où il semble y avoir un second héros, enfant ou adulte. En ce qui
concerne les enfants, Le petit maudit et La bataille des mots présentent, à côté du
personnage-narrateur, un autre enfant qui entre en interaction décisive avec lui. Quant
aux adultes, la série Choupette et la série Noémie leur accordent une grande place dans
l’action et dans les préoccupations du personnage-narrateur. Nous avons décidé de
considérer comme des héros les personnages que Jouve appelle personnages-sujets ou
personnes, êtres fictionnels dotés de subjectivité : « Dans notre optique, écrit le
théoricien, le personnage-sujet est moins un rôle qu’une subjectivité, c’est-à-dire une
individualité dotée d’une épaisseur psychologique. L’histoire vécue par le sujet est
l’expérience centrale qui ramène au rang d’instruments narratifs les autres
personnages. » (1992, p. 133)
Vouloir, savoir, pouvoir : les surdoués et les handicapés
Les personnages-narrateurs se divisent en deux grandes catégories : les surdoués et les
handicapés. Chez les surdoués, on retrouve les deux héroïnes sérielles, Choupette et
Noémie. Précisons que Noémie est plus une suite romanesque qu’une série : les
épisodes doivent, de préférence, être lus dans l’ordre, le savoir de l’héroïne
étant cumulatif, de même que les savoirs sur les personnages et l’action. En
revanche, les quatre titres de Choupette sont indépendants. Les handicapés
sont des héros de récits uniques (Rouge timide, La petite fille qui ne souriait
plus, Les yeux noirs, etc.), à l’exception du petit géant, héros éponyme d’une
série.
Les surdoués
La série des Choupette compte quatre titres publiés de 1997 à 2000. Dans le premier
épisode, Choupette et son petit papa, l’héroïne se distingue par son empathie et son
imagination. Le trait dominant de son étiquette est la maturité, acquise par réaction à
l’infantilisme d’un père qui a passé son enfance dans les jupes de sa mère. Cette
expression, sans cesse répétée par le père, permet à la petite fille de rationaliser les
comportements paternels pour le moins bizarres. Mais cette explication ne suffit pas à la
calmer. L’enfant est sans cesse anxieuse de ce qui pourrait arriver, le père rattrapant à
l’âge adulte tout ce qu’il n’a pas pu accomplir sous les jupes de sa mère : sauter dans les
flaques d’eau, faire de la bicyclette, s’arrêter pour caresser les animaux, etc.
Le problème va se régler pour Choupette, du moins en surface, car