fantastique (transformations), met en effet en scène une héroïne humaine victime d’un
être surnaturel malfaisant et qui réussit à lui échapper, non sans quelques dommages
majeurs…
Pour réécrire, à l’intention de la jeunesse, l’histoire de Rose Latulipe, Soulières et
Gagnon ont dû se soumettre à au moins dix contraintes
- simplifier les techniques narratives (pas d’enchâssement) ; sans doute afin de s’adapter à
une catégorie de lecteurs moins aguerris ;
- élaguer certains lieux pour concentrer l’action en un seul ; sans doute pour simplifier
l’histoire et la rendre ainsi plus frappante ;
- ôter la dimension plus ou moins sexuelle dans le personnage de Rose et en faire une jeune
fille qui aime s’amuser ; sans doute pour favoriser l’identification de la jeune clientèle
ciblée ;
- ajouter, chez Rose, une certaine habileté à « manipuler » son père ; sans
doute pour créer une complicité, un effet « miroir » à l’usage des enfants rois
d’aujourd’hui ;
- insister discrètement sur la beauté physique de Rose, beauté sans doute survalorisée
actuellement dans la littérature miroir à fonction socioréaliste ;
- transformer le diable en un personnage de récit fantastique ou de drame d’horreur (le
baiser du vampire) ; sans doute pour mieux plaire en suscitant de délicieux frissons
d’horreur ;
- s’attarder sur la psychologie du fiancé ; un laissé pour compte qui souffre et noie son
chagrin dans l’alcool ; sans doute pour susciter de la compassion envers un être
défavorisé, un perdant.
- détacher du choeur de la foule, pour les faire parler, quelques personnages qui ont des
noms chez Soulières ; chez CG, rendre le groupe des jeunes filles jalouses de Rose, du
moins au début ;
- gommer au maximum la dimension religieuse dans une société pluraliste, en perte de
sacré, au profit d’une histoire sans morale explicite ; sans doute pour ne pas rebuter le
public cible ;
- du point de vue des valeurs, conserver le sens de l’hospitalité, ôter le respect (ringard?)
des aînés, ne pas sacrifier le principe de plaisir en présentant la danse comme source de
désordre psychique et moral ; bref, substituer une morale laïque à la morale religieuse,
ainsi que la crainte de la perte de l’intégrité physique à celle de la perte de l’âme ; sans
doute pour être, encore une fois, en phase avec les destinataires postmodernes de l’oeuvre
(Boisvert, 1995).
Plaire, faciliter l’identification et transmettre une culture et des valeurs, telles semblent
bien être les trois principales fonctions qui se dégagent de ces réécritures. Il s’agit, à
notre avis, essentiellement, de contribuer à créer une atmosphère ancienne
(lecture-évasion), de transmettre la culture québécoise populaire (lecture-information),
et d’exploiter la fascination moderne ou postmoderne pour le surnaturel (Dracula, etc. ;
lecture-émotion). Quoi qu’il en soit, les deux versions contemporaines entretiennent
l’ambiguïté quant à la manière dont le lecteur (intelligent à tout âge) peut interpréter
l’oeuvre qui reste, malgré tout, une oeuvre ouverte…