- La première catégorie de récits de chasse-galerie raconte une lutte pour la
subsistance matérielle par l’acquisition de vivres. Des trappeurs, chasseurs
et autres pêcheurs, éloignés d’une aire d’abondance par un espace hostile et
infranchissable, profitent d’un vol magique « pour la vie » afin de se ravitailler, refusant
l’ordre perturbé des choses et s’ingéniant à conjurer le sort pour qu’il soit
meilleur.
- La deuxième catégorie de récits de chasse-galerie relate plutôt la satisfaction d’un
manque affectif. Des bûcherons surtout, éloignés de leur coin de pays, de leur
famille, de leur amour, par une route impraticable ou des horaires inflexibles,
comblent leur désir grâce à l’intervention du vol magique « vers l’amour ». Ce vol
permet de vaincre la peur et de rassembler dans la fête ceux que le dur labeur a
séparés
- La troisième catégorie englobe les récits qui présentent des tentatives d’accession à une
certaine éternité, voulant ainsi corriger les injustices du destin. Des êtres privés de la vie,
refusent d’accepter le néant, le départ trop hâtif de la terre, grâce au vol magique « par
la mort ». Ce vol leur permet d’établir un nouveau contrat existentiel dans un Au-delà
qui leur rend justice.
Trois espaces à contrôler sont ainsi conviés, l’espace vital, l’espace affectif et l’espace
existentiel.
Nos investigations nous ont permis pour l’instant d’identifier quatre œuvres
québécoises qui proposent à la jeunesse des récits de chasse-galerie. Les voici en ordre
chronologique de parution : Madeleine Chénard (1980) ; Denise Houle (1980) ; Marc
Laberge (1994) ; Cécile Gagnon (2000). Parmi ces quatre œuvres, une seule propose un
vol pour la vie (celle de Marc Laberge), les trois autres proposent un vol vers l’amour, et
aucune, un vol par la mort.
La légende : une définition des folkloristes
D’abord, nous admettrons avec Purkhardt (1992, p. 69) et avec Ricard (1979, p. 11)
que La chasse-galerie, celle des origines, est une légende et non un conte merveilleux. En
effet, Purkhardt le démontre brillamment en établissant que la morphologie des contes
merveilleux (Propp) relève des fonctions, donc des prédicats d’action alors que les
légendes, comme dans le cas de La chasse-galerie, allient fonctions et prédicats d’état,
c’est-à-dire les attributs. En d’autres mots, les fonctions ne jouent pas un rôle actif
comme dans le modèle proppien.
Par ailleurs, puisqu’il s’agit ici de la légende de La chasse-galerie, nous avons adopté
la définition des folkloristes formulée par Ricard (1979, p. 11) :
[…] chez les folkloristes, on appelle légendes les « récits oraux qui se
rapportent à un passé où l’on croyait aux jeteux de sorts, aux revenants,
aux feux follets (…), et qui (prennent) la plupart du temps la forme d’un
souvenir personnel, ce qui (leur) donne une apparence de vérité ». Dès lors,
le seul moyen pour un écrivain de publier d’authentiques récits légendaires
serait de raconter lui-même ses propres aventures avec les revenants, ou bien
de devenir une sorte d’enquêteur, c’est-à-dire de se joindre aux auditeurs
et de consigner simplement par écrit les dires du conteur, sans intervenir
aucunement et en se laissant fidèlement conduire par la parole narrattice.
La chasse-galerie d’Honoré Beaugrand concrétise tout à fait ces conditions. Son
récit propulse bien le souffle et l’atmosphère propres au récit légendaire. Il
met bien