Comme l’écrit Shusterman : « La fiction n’établit pas un lien avec le réel, mais avec notre réel » (Lecercle et Shusterman, 2003, p. 172), auquel, me permettrais-je d’ajouter, vient se surimposer, en littérature pour la jeunesse, le réel du personnage-enfant souvent reflet de celui du lecteur-enfant. Vecteur de la lisibilité comme de la littérarité de l’œuvre, l’espace construit par les romans destinés à un jeune public est bien davantage qu’une simple passerelle entre le monde de l’œuvre et celui du lecteur. Il se révèle également le lieu, pour le jeune protagoniste comme pour l’enfant-lecteur, d’une transhumance sur des sentiers qui n’ont décidément rien à voir avec le macadam du quotidien. Tant pour le héros qu’il contribue à construire que pour le lecteur auquel il permet d’explorer la multiplicité des mondes possibles, l’espace romanesque est le lieu d’une expérience identitaire, symbolique et littéraire.

Dans le cas du roman de Charlotte Gingras, et ce pour le plus grand plaisir des jeunes lecteurs dont l’expérience de l’espace demeure encore limitée, le périple de Clara illustre sans contredit le fait que les grands voyages ne sont pas toujours ceux qu’on pense. À cet égard, l’unique vers d’un poème d’Albert Bernard (1981) intitulé fort à propos Les grands voyages met en abyme toute la complexité et la beauté de l’expérience littéraire : « J’étais chez moi. Je suis toujours chez moi. »

Bibliographie

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